Un retour en force auprès du public. Le mercredi 13 octobre dernier, à la salle Claude Champagne, l’Orchestre de chambre jazz a interprété Kind of Blue de Miles Davis avec un nouvel arrangement du compositeur Fred Stride. Le Big Band a quant à lui fait voyager le public avec des rythmes cubains et brésiliens, en mettant notamment à l’honneur un nouveau programme d’études offert depuis la rentrée 2021 à la Faculté de musique de l’Université de Montréal : la majeure en jazz et musiques du monde. Un peu plus de 300 spectateurs ont pu écouter à nouveau les musiciens et musiciennes qui n’avaient pas donné de concert devant un public depuis 2019, mais qui diffusaient sur le compte YouTube de la Faculté de musique leurs performances.
Quartier Libre (Q. L.) : Comment s’est passée ton expérience de musicienne pendant la pandémie ?
Simone Leblanc (S. L.) : À l’Université, ça s’est quand même bien passé de ne pas jouer devant un public pendant la pandémie, parce que nous avons eu la chance de pratiquer ensemble. De grandes pièces ont été arrangées ; par exemple, avec le Big Band, nous avons joué dans la salle Claude-Champagne et des techniciens ont élargi la scène tel un terrain de football ! Tout le monde était à deux mètres de distance, c’était spécial de jouer espacé de cette façon-là. Le son n’est pas le même et nous ne nous entendions pas tous et toutes bien. Mais nous avons quand même été chanceux, parce que dans d’autres universités, cela ne s’est pas passé comme ça. Nous avons eu un privilège.
Q. L. : Le concert du 13 octobre dernier était le premier devant un public depuis novembre?2019. Comment s’est-il passé ? Comment vous êtes-vous adaptés aux mesures sanitaires ?
S. L. : Tout le monde avait très hâte de jouer, et de jouer collés, tous ensemble ! Nous n’étions pas à deux mètres de distance, nous étions plutôt proches les uns des autres. En plus, tout le monde avait déjà reçu ses deux doses de vaccin au moment de s’inscrire pour participer au concert. Ce n’était pas obligatoire, bien que fortement suggéré, et cela nous a permis de jouer ainsi. Si une étudiante ou un étudiant n’avait pas été doublement vacciné, nous aurions dû recréer la distanciation de deux mètres entre chaque musicien.
Q. L. : Depuis combien de temps joues-tu pour l’Orchestre de chambre jazz et pour le Big Band, et quelle est la différence entre les deux ?
S. L. : J’ai intégré l’Orchestre à l’hiver 2020 et le Big Band à l’automne 2020. L’Orchestre, c’est une plus petite formation, tous les instruments ne sont pas doublés. La recherche de texture est différente, plus précise, tandis que dans le Big Band, les voix sont doublées. C’est une formation plus grande, avec plus de musiciens, donc il y a plus de puissance dans le volume. L’Orchestre joue de la musique jazz contemporaine, alors que le Big Band joue du swing, du vieux swing.
Q. L. : Qu’est-ce que « les voix doublées » ?
S. L. : Dans le Big Band, nous avons tous les saxophones, tous les trombones, toutes les trompettes. La section des saxophones, par exemple, comprend un joueur d’alto principal. Le saxophone alto est le chef de file des saxophones. Cette section compte également un saxophone alto 2, un saxophone ténor 1, un saxophone ténor 2 et un saxophone baryton. Dans l’Orchestre de chambre, nous avons seulement trois saxophones, un alto, un ténor et un baryton. Et il n’y a qu’un seul trombone, alors que le Big Band en compte quatre.
Q. L. : Qui est le saxophoniste principal dans le Big Band ?
S. L. : Il s’agit de Denis Roy, un nouvel étudiant au baccalauréat en interprétation jazz. Pour les trompettes, c’est un étudiant qui vient d’arriver du Brésil pour suivre un doctorat en trompette jazz. Il est très expérimenté, cela s’entend tout de suite lorsque nous faisons une performance comme celle que nous avons faite à la salle Claude-Champagne : celle-ci s’est remplie de son. Un autre étudiant boursier vient tout juste d’arriver dans le Big Band depuis la Colombie, il joue de la guitare.
Q. L. : Seules deux filles font partie des douze musiciens de l’Orchestre de chambre et le Big Band n’en compte que six pour dix-neuf musiciens. Te sens-tu à l’aise dans cet univers très masculin ?
S. L. : J’ai appris avec le temps à être à l’aise dans un univers masculin. Peut-être que dans le passé, vu que je ne voyais pas beaucoup de femmes dans les ensembles, je projetais quelque chose d’intimidant à me retrouver dans cet univers. Mais il faut tasser ces images et juste se lancer, être bien organisée. Puis peu importe que tu sois un homme ou une femme, si tu fais bien la job et que tu interprètes bien les pièces à jouer, tout va bien, tu te fais rappeler, même si c’est vrai qu’en général, dans le monde de la musique jazz, il n’y a pas beaucoup de femmes. Aujourd’hui, en 2021, c’est en train de changer, nous faisons partie de la gang. Mais c’est un long chemin.
Q. L. : Est-ce que des actions sont menées, d’ailleurs, pour favoriser l’intégration des femmes dans le monde de la musique jazz ?
S. L. : Oui. Ce sont des détails comme afficher des photos de femmes inscrites au programme de jazz avec leur instrument. Ça permet de se dire : « Elle est là, alors je peux aller là aussi. » En dehors de l’Université de Montréal, sur la scène professionnelle, dans les programmations des festivals comme le Festival international de Jazz de Montréal, un effort est, selon moi, fait pour engager des femmes musiciennes. Je remarque un effort dans la communauté pour que ce soit plus égal.
Q. L. : Quand aura lieu votre prochain concert ?
S. L. : Le 25 novembre prochain, nous allons interpréter et arranger des pièces composées par des étudiants et étudiantes de la Faculté de musique. Le concert sera dirigé par le professeur et trompettiste Jean-Nicolas Trottier, puis nous partagerons la scène avec l’Orchestre national de Jazz. Ce sera aussi l’inauguration d’un concours lancé par Sophie Desmarais [NDLR principale mécène du Big Band, elle a notamment mis sur pied un fonds qui permet d’octroyer plusieurs bourses]. Ce concours porte sur des compositions internationales, et les meilleures d’entre elles seront jouées par le Big Band et l’Orchestre national de jazz. Cet événement sera un croisement entre la communauté étudiante et la communauté de musiciens jazz montréalais déjà établis, donc c’est excitant. Et c’est la première fois qu’il y aura un partage de scène !