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Le Canada s’est octroyé 5 % du temps d’observation du nouveau télescope spatial James Webb. Credit image : NASA/Desiree Stover. Caption credit: Laura Betz

Des chercheurs de l’UdeM derrière l’élaboration du télescope spatial le plus puissant au monde

Le télescope spatial James Webb, fruit d’une collaboration entre la NASA, l’Agence spatiale européenne (ESA) et l’Agence spatiale canadienne (ASC), est décrit par cette dernière comme le télescope le plus puissant et le plus complexe jamais construit. Après son lancement, le 31 octobre prochain, dix chercheurs canadiens, dont trois de l’UdeM, feront partie des premiers à étudier les résultats qu’il transmettra.

Lorsque l’élaboration du télescope spatial James Webb a commencé en 1996, l’étudiante au doctorat à l’UdeM Olivia Lim n’était pas encore née. Près de 25 ans plus tard, elle fait partie des dix chercheurs et chercheuses dont le projet a été sélectionné pour la première utilisation de celui-ci.

Grâce au télescope, elle poursuivra ses recherches sur TRAPPIST-1, un système planétaire situé à environ 39 années-lumière de la Terre, composé d’une étoile naine rouge et de sept exoplanètes en orbite autour de celle-ci. Olivia compte utiliser le télescope James Webb pour observer quatre de ces sept planètes. « On va étudier leur atmosphère, et on espère déterminer si ces planètes ont une atmosphère ou pas, décrit-elle. Si oui, on espère pouvoir détecter certaines molécules, comme du dioxyde de carbone ou de l’eau. »

La doctorante reste prudente lorsqu’elle mentionne la possibilité de trouver de l’eau, rien n’est confirmé, mais elle reconnait que l’objectif ultime serait de trouver des traces de vie. « On ne pense pas pouvoir énoncer de conclusion là-dessus après nos observations, mais c’est un premier pas important pour avoir un portrait plus global de ce système », précise-t-elle.

La contribution udemienne et canadienne

Pour permettre à Olivia d’analyser TRAPPIST-1, il faut que le télescope soit capable de voir dans l’infrarouge [voir encadré]. C’est le cas du télescope James Webb, qui est équipé d’un instrument appelé NIRISS, développé par l’ASC grâce aux contributions de professeurs de l’UdeM comme le professeur au Département de physique René Doyon, chercheur principal du projet. Celui-ci est accompagné d’autres chercheurs de l’Université, parmi lesquels l’instrumentaliste pour NIRISS Loïc Albert, qui fait également partie de la dizaine de chercheurs canadiens à avoir été retenu pour étudier les résultats que transmettra le télescope.

M. Albert explique qu’avec NIRISS, le télescope James Webb examinera les atmosphères d’exoplanètes et mesurera leur composition chimique. La puissance d’observation du télescope sera également plus grande. « On obtiendra des spectres de plusieurs cibles en même temps dans le ciel, ça permet d’étudier des galaxies lointaines qui sont très faibles et qui demandent une longue observation avant d’avoir un signal, explique le chercheur. Là, on pourra en observer des centaines en même temps. »

Remonter le temps

En plus de scruter plusieurs points à la fois, le télescope James Webb fait preuve de tellement de sensibilité et de précision qu’il peut observer les objets les plus éloignés de notre univers, selon le directeur du développement de l’exploration spatiale de l’ASC, Érick Dupuis. « C’est comme une machine à remonter le temps, illustre-t-il. Quand on regarde le soleil, ce que l’on voit de celui-ci, c’est ce qu’il se passait il y a huit minutes. Donc, en regardant des objets extrêmement éloignés, on pourra comprendre la formation de l’univers après le big bang et voir comment les galaxies et étoiles ont évolué au fil du temps. »

Le Canada a contribué au télescope en l’équipant d’un second instrument, un détecteur de guidage de précision. Ce dernier permet de pointer le télescope, ce qui requiert beaucoup de précision, pour toujours garder les objets célestes convoités dans la ligne de mire. « Le système de guidage canadien peut pointer le télescope à un millionième de degrés, ça permet de viser un cheveu de bébé à un kilomètre de distance », affirme M. Dupuis.

C’est grâce à ces contributions que le Canada s’est octroyé 5 % du temps d’observation du nouveau télescope spatial James Webb.

Du temps d’observation

Un comité d’allocation du temps d’observation, composé de scientifiques astronomes internationaux, a analysé les soumissions afin de sélectionner les chercheurs qui feront partie des premiers à utiliser le télescope. « Le processus était entièrement anonyme, pour éviter les biais et y aller au mérite », se félicite M. Dupuis.

M. Albert bénéficiera ainsi de 39 heures pour un projet d’étude des naines brunes. « On va viser les objets qui sont les plus froids dans notre voisinage solaire, c’est-à-dire les naines brunes, et essayer de trouver autour d’autres naines brunes ou d’autres planètes géantes », détaille-t-il. D’après le chercheur, ce terrain inexploré fera avancer la compréhension de la formation des étoiles. « Mes observations devraient être prises au cours de l’année et demie après le lancement », ajoute-t-il.

De son côté, Olivia bénéficiera de 53,7 heures d’observation avec le télescope. « Si on est optimiste et que le télescope est bien lancé en octobre 2021, alors on pourrait commencer nos observations dès le mois de juin 2022 », se réjouit-elle

La doctorante espère pouvoir faire aboutir son projet un an après le lancement du télescope. « Si tout se passe bien », précise-t-elle.

 

ENCADRÉ : Voir dans l’infrarouge

Le télescope James Webb étudiera la lumière infrarouge, qui se situe au-delà de la partie rouge du spectre visible. Certains objets dans l’espace, comme les planètes, les étoiles rouges géantes et un type d’étoile « ratée » appelée naine brune, sont trop froids pour émettre beaucoup de lumière visible et sont plus brillants sous la lumière infrarouge. Cette dernière peut également traverser les grains de poussière qui bloquent la lumière visible, révélant ainsi de nombreuses informations cachées.

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