Donald Trump polarise les opinions, même au sein de son propre parti. Au cours de cette année électorale, des voix républicaines se sont élevées contre l’actuel président des États-Unis. Parmi elles, celles de l’organisation Projet Lincoln, dont l’objectif est d’écarter Trump du pouvoir. Quartier Libre s’est entretenu avec Charles-Antoine Millette, chercheur associé à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, pour en savoir plus sur la stratégie de cette organisation.
Quartier Libre : Qu’est-ce que le Projet Lincoln ?
Charles-Antoine Millette : Le Projet Lincoln est un « super PAC » [voir encadré 01] fondé par des républicains qui désavouent le président Donald Trump [voir encadré 02]. Ces derniers ont pour objectif de lui faire perdre les élections présidentielles américaines du 3 novembre prochain. Ils se considèrent en bataille contre le « Trumpisme ». Leur projet s’inspire du président Lincoln, qui a rassemblé la nation américaine après la guerre de Sécession.
Ils veulent par conséquent faire élire le candidat démocrate Joe Biden, mais aussi des candidats démocrates au Sénat et à la Chambre des représentants. Leur but est de sauver l’union fédérale américaine et de la réparer sur le plan spirituel et politique.
Q. L.: Une partie de leur stratégie repose sur l’utilisation de publicités considérées comme agressives par certains. Est-ce une stratégie efficace ?
C-A. M. : Je pense, en effet, que c’est une bonne approche. Aux États-Unis, la diffusion de publicités négatives est une stratégie de campagne efficace et répandue. Grâce à un bon mélange d’enjeux et d’attaques personnelles, les publicités sont un atout pour se défaire d’autres candidats. Le Projet Lincoln a l’avantage d’être très réactif et d’utiliser l’actualité pour attaquer Trump, qu’il s’agisse de publicités sur la façon dont celui-ci a géré la COVID-19, ou de publicités qui remettent en question son intégrité. Une publicité qui me viendrait en tête serait celle des jeunes filles dans le miroir, où l’on voit ces dernières s’observer attentivement après avoir entendu le président Trump tenir des propos dégradants sur les femmes. La scène est ensuite mise en contraste avec les actions de Joe Biden, qui respecte les femmes et qui en a choisi une, Kamala Harris, pour vice-présidente.
Q. L.: Est-ce que ce phénomène de rébellion est nouveau au sein du parti républicain ?
C-A. M. :Il y a toujours eu des républicains appelés à changer leur fusil d’épaule, mais le fait que des républicains influents décident de créer un super PAC, d’utiliser les publicités et les médias, et surtout de faire la promotion du candidat adverse, c’est une première.
On ne pourrait pas dire que l’organisation républicaine s’écroule, mais la création de ce super PAC découle presque entièrement de l’élection de Donald Trump, de tout ce qui est arrivé au cours de son mandat. C’est un exemple des conséquences que ses actions peuvent avoir. Le Projet Lincoln considère que sa présidence a été un échec et qu’elle a eu un effet néfaste sur le pays. Il veut également se défaire des républicains qui se sont récemment présentés au Sénat, afin de sauver le pays sur un plan spirituel et politique.
Q. L.: La fidélité partisane est-elle remise en cause ?
C-A. M. : Tout dépendra des résultats aux élections et de qui vote. Si les personnes qui ont voté étaient des personnes indécises, alors on ne pourra pas vraiment parler de changement de fidélité. Mais s’il s’avère qu’une partie de celles qui ont voté Biden était de fervents républicains, alors oui, on pourra peut-être parler de changement de fidélité partisane. Mais il faut savoir que l’on s’attend généralement à ce que les gens changent d’habitude électorale en fonction des enjeux, des partis politiques et de la composition du Congrès.
ENCADRE 01 : Super PAC
Un super PAC est un comité d’action politique indépendant qui peut accepter des contributions illimitées venant d’individus ou d’organisations telles que des entreprises ou des syndicats. Il est autorisé à dépenser des sommes illimitées pour soutenir, ou, dans le cas du Projet Lincoln, pour gêner la campagne politique d’un candidat. La limite d’un super PAC est que celui-ci ne peut pas contribuer financièrement ou travailler directement avec le candidat qu’il soutient.
ENCADRE 02 : Les membres du Projet Lincoln
Le Projet Lincoln a été fondé par un groupe de huit anciens stratèges républicains qui ont œuvré au cours des 30 dernières années pour des candidats comme John McCain ou George