Volume 27

plaisir partagé

Selon la sexologue et chargée du cours Jeunes et Sexualité de l’UdeM, Anne-Julie Lafrenaye-Dugas, un nouveau phénomène, différent de la baisse de l’activité sexuelle décrite par les médias, s’est fait remarquer quant à la sexualité des jeunes. « Ce n’est pas tant que les jeunes ont plus ou moins de rapports sexuels, c’est que la pénétration n’est plus au centre de ce que les jeunes vont considérer comme être des rapports sexuels, précise la sexologue. On a remarqué qu’ils avaient de plus en plus de comportements sexuels qui n’étaient pas des comportements sexuels de pénétration phallo-vaginale, mais plutôt des pénétrations orales ou des caresses génitales. »

Pour Mme Lafrenaye-Dugas, cette nouvelle tendance peut s’expliquer en partie par la réussite du travail de sensibilisation et d’éducation sexuelle. « Cela montre qu’il y a une compréhension de la sexualité, qui est plus complète et qui vient d’un travail d’éducation sexuelle », estime-t-elle.

La chercheuse en sexualité et en relations humaines à l’Université de Guelph, Robin Milhausen, rappelle l’importance de « l’avant-sexe » et de « l’après-sexe ». « Le nombre de minutes passées à s’embrasser, à se câliner ou à se caresser avant et après le rapport sexuel est déterminant, avance-t-elle. Ceux qui s’engagent pour six minutes ou plus dans ce genre d’activité avant et après le sexe ont plus tendance à dire que le rapport était très plaisant et qu’ils sont très satisfaits sexuellement. »

Le rapport Regard statistique sur la jeunesse : État et évolution de la situation des Québécois âgés de 15 à 29 ans, 1996 à 2018 de l’Institut de la statistique du Québec indique qu’en 2008, 75,1 % des jeunes Québécois âgés de 15 à 29 ans étaient actifs sexuellement, contre 74,8 % en 2015. Ce changement ne serait pas, selon ledit rapport, significatif.

L’étude PIXEL – Portrait de la santé sexuelle des jeunes adultes au Québec, publiée en 2017 par l’Institut national de santé publique du Québec, révèle la fréquence des rapports sexuels au cours du dernier mois pour les 21-29 ans. Si elle souligne que presque 10 % des individus n’ont eu aucun rapport, il n’existe aucune donnée permettant de comparer cette fréquence à celle des générations précédentes.

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Les nouvelles technologies dans la quête du plaisir

Également enquêtrice dans le cadre d’une étude sur la sexualité des étudiants menée par TROJANMC et le Conseil d’information et d’éducation sexuelles du Canada (CIESCAN), Mme Milhausen avance qu’aujourd’hui, les réseaux sociaux et Internet ont une place particulièrement importante dans la quête du plaisir des jeunes. « Les jeunes aujourd’hui utilisent des applications de rencontre pour rechercher leurs partenaires sexuels et amoureux, contrairement aux générations précédentes, ce qui rend la chose beaucoup plus facile, grâce au processus de « tri » qui s’opère, explique-t-elle. On sait ce qu’on recherche et on peut classer ses valeurs ou ses activités, ce qui permet de rencontrer un ou une partenaire avec des intérêts communs1. »

Selon l’étudiante à la majeure en criminologie à l’UdeM Océane2, les applications de rencontre peuvent faciliter l’obtention du plaisir. « J’ai déjà utilisé des applications comme Tinder auparavant, déclare l’étudiante. Je pense que ce genre de plateforme peut encourager le plaisir, du fait que tu peux parler plus facilement de sexe avec la personne, parce que tu sais qu’elle est là pour ça. Tu peux même en parler avant de la rencontrer en vrai, je trouve que cela efface un peu la gêne. »

Internet permet un accès plus facile à la pornographie, souvent dénoncée pour construire de fausses attentes chez les plus jeunes. Mme Lafrenaye-Dugas explique que si certains jeunes sont plus impressionnables que d’autres, la plupart d’entre eux savent prendre du recul sur l’image de la sexualité véhiculée par ce type de contenus. « Des études démontrent que quand on demande aux jeunes si les films pornographiques sont réalistes, la majorité d’entre eux répondent ?non, je sais que la réalité ne ressemble pas à ça? », développe-t-elle.

Une place plus importante pour le plaisir des femmes

« La sexualité des jeunes tend à être « pathologisée », à être vue comme quelque chose de problématique qu’il faut contrôler, particulièrement pour les jeunes femmes », souligne Mme Lafrenaye-Dugas. Elle ajoute que cette volonté de contrôle de la sexualité des jeunes est présente depuis les premières données recensées sur le sujet, et qu’elle a des causes variables selon l’époque et les cultures. Si auparavant, le mariage générait ce contrôle, ce dernier s’effectue aujourd’hui autrement, comme avec le slut shaming (voir encadré).

Selon Mme Milhausen, l’attitude envers la sexualité des jeunes femmes est en train de changer. « Aujourd’hui, avec Internet, chaque question qu’on a sur sa propre sexualité trouve une réponse en ligne, avance-t-elle. Avec la myriade d’options qui existent pour que les femmes accentuent leur plaisir, je pense que ces dernières sont plus à l’aise qu’avant pour trouver des réponses à leurs besoins sexuels. »

Les réseaux sociaux permettent aux jeunes de se sensibiliser davantage au plaisir féminin. « Il y a de plus en plus de comptes Instagram comme « T’as joui », qui prônent le plaisir de la femme, qui vont expliquer comment ça fonctionne, qui vont recommander des positions, décrit Océane. Je pense que cela permet aux femmes d’être plus décomplexées. » La jeune femme désigne les médias sociaux ou les séries comme Sex Education comme des sources d’informations importantes sur le plaisir.

1. Traduction libre depuis l’anglais

2. L’étudiante a souhaité conserver son anonymat.

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