Valérian n’utilise pas de point d’exclamation quand il parle de cette année et demie passée à travers les cinq continents. «Ce ne sont pas forcément les grands moments qui te marquent le plus. C’est l’ensemble qui se recompose pour faire une mosaïque de souvenirs. […] Tu traverses le désert, tu colles à la route, le vélo t’imprime dans ce que tu vis.»
Deux autodidactes en cavale
Comment décide-t-on, un jour, de partir plus d’un an à vélo ? «L’idée m’est venue d’un livre qui racontait un tour du monde, expliquet- il. C’est la première fois que je voyais quelqu’un qui disait que n’importe qui peut le faire.» Puis, il a rencontré à son travail Sébastien Keruel, qui deviendra son compagnon de route. Valerian lui a dit qu’il voulait faire le tour du globe et qu’il pouvait se joindre à lui. «Il m’a dit : bin ok.»
Mais les deux aventuriers voulaient également redonner aux populations locales. Ils se sont donc improvisés clowns pour des orphelins, des gens dans la rue, des écoliers, etc. «On a décidé de faire rire les gens.» S’est ajoutée une autre composante, journalistique. Pendant tout le périple, Sébastien et Valérian encapsulaient en vidéo reportages des artistes de rue, photographiaient et rédigeaient leurs histoires (à lire sur spectacleautremonde.free.fr). «Dans chaque pays, on rencontrait des artistes qui travaillaient dans la rue, des danseuses, des potiers, des peintres, des calligraphes, des poètes, des musiciens, des gens qui customisaient des camions…»
Comment faire le tour du monde?
La préparation du voyage a duré un an. Pendant ce temps, les deux voyageurs ont trouvé des bourses et des commandites. Le total des dépenses pour le voyage s’élève à 30000 $, dont la moitié vient de soutien financier et matériel pour leur projet et l’autre, de leurs économies personnelles. La somme inclut tout de A à Z: vélos, équipement de camping, billets d’avion, frais d’hébergement, nourriture, pellicules photo… Prépa – ration est aussi synonyme d’itinéraire. «On est partis de chez nous en France, on a descendu vers l’Espagne, le Maroc, on a traversé le Sahara occidental, la Mauritanie, le Sénégal, on a pris l’avion à Dakar, on est arrivés à Buenos Aires, on a traversé l’Argentine, la Pampa [NDLR: plaine qui couvre une partie de l’Argentine], la cordillère des Andes jusqu’à Santiago au Chili. De là on a rejoint la Nouvelle-Zélande, on a pris l’avion pour l’Australie, et ensuite, on a redécollé pour arriver à Hô Chi Minh-Ville, puis on a pédalé jusqu’en France. C’est-àdire, Vietnam, Cambodge, Thaïlande, Laos, Chine, Tibet, Népal, Inde, Pakistan, Iran, Turqu i e , G r è c e , A l b a n i e , Monténégro, Croatie, et là c’est plein de petits pays. Puis, on est revenus.»

Chaque nom de pays évoque des images, petits flashs qui traversent l’esprit. La neige lorsqu’ils sont arrivés en Turquie, la cordillère des Andes épuisante, l’Inde au mois d’août… « Ça donne tellement envie», que j’échappe après l’énumération. Valérian sourit, s’allume : «C’est vraiment ça qu’on voulait faire avec notre histoire. Donner envie à d’autres gens, montrer que c’est simple.»
Simple comme monter à vélo, finalement. Suffit de donner un premier coup de pédale. «Le jour du départ, j’ai pris une route près de chez moi. J’ai remarqué qu’il y avait une côte, qu’il y avait du vent. Le vélo, ça permet de vivre les choses plus intensément, tu colles à la route.»
Rêvons un peu. Sortir de l’UdeM, puis de Montréal, prendre le pont Jacques-Cartier. Imaginez, on peut se rendre loin, jusqu’à l’Argentine, puis tourner à droite vers l’Asie…
* Tiré d’un poème de Joachim du Bellay, poète français du XVIe siècle.
Valérian Mazataud présente ses photos au www.focuszero.com