Il y a deux ans, l’ancien professeur de sociologie à l’UdeM Jean Renaud a appris qu’il était atteint d’un mésothéliome. Retraité depuis 2010, il a étudié et travaillé au pavillon Lionel-Groulx pendant plus de 40 ans. « Le pavillon contenait de l’amiante dans le plafond, témoigne-t-il. À l’époque où les micro-ordinateurs sont apparus, nos bureaux n’étaient pas équipés, je me suis donc amusé à passer des rallonges dans le faux-plafond, et j’ai fait sortir de la poussière. » M. Renaud pense qu’il a été exposé à l’amiante à ce moment-là. Deux autres anciens employés de l’UdeM sont également atteints de cette maladie1.
« Le mésothéliome est l’un des cancers les plus mortels, il n’est pas vraiment curable et la progression se fait assez rapidement, explique le chef médical au Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal (CIUSSS), Geoffroy Denis. Le temps de survie moyen se calcule en mois. » (Voir encadré)
Demande d’enquête
Le 9 décembre dernier, le SGPUM a demandé que des mesures soient immédiatement prises afin de dresser un état des lieux sur la présence d’amiante dans tous les bâtiments du campus. « Nous suggérons de faire affaire avec une firme externe […] pour que la qualité de l’air soit évaluée le plus rapidement possible […] pour pouvoir rassurer nos membres et prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer leur santé et leur sécurité », a communiqué l’exécutif du syndicat.
La plupart des vieux immeubles du Québec, dont font partie les anciens pavillons de l’UdeM, ont été construits avant que l’amiante soit interdit, en 1990. « C’était une façon de travailler à l’époque, de l’amiante, il y en avait partout, précise la porte-parole de l’UdeM, Geneviève O’Meara. Depuis que la loi a changé, l’Université a toujours pris ses responsabilités. » D’après elle, lorsque des travaux ont lieu sur le campus en présence d’amiante, ils sont menés par des entreprises externes spécialisées. « Ce qu’on répond à la demande du SGPUM est que les mécanismes de contrôle et de suivi de la qualité de l’air existent déjà sur le campus », affirme-t-elle.
D’après elle, l’Université a le contrôle sur la situation et donne également accès à un registre qui répertorie les endroits où l’amiante se situe dans ses installations.
Selon la présidente de l’Association du personnel préretraité et retraité de l’UdeM (APRÈS l’UM), Sylvia Francis, l’enquête arrive un peu tardivement. « Bien sûr, c’est un geste grandiose de dire qu’on va fouiller et faire venir des compagnies externes, mais ça n’aide pas pour le passé, déplore-t-elle. Le syndicat des professeurs devrait plutôt sortir les dossiers des anciens employés, regarder si des cas de mésothéliome pourraient resurgir aujourd’hui et prévenir. »
Un risque sur les chantiers et au bureau
D’après M. Denis, l’amiante est généralement inoffensif s’il se trouve dans un plafond ou dans un mur hermétiquement fermé. « Les personnes les plus à risque sont celles qui vont respirer et travailler directement avec ces matériaux-là, comme les gens dans la construction », explique-t-il. Selon lui, il est donc plus difficile pour des employés de bureau de détecter l’origine de l’exposition.
« On parle toujours des ouvriers, parce que pour eux, c’est clair, ils avaient le produit entre les mains, détaille M. Renaud. Mais il y a aussi d’autres cas dont on ne parle pas. » Ce sont les jurys de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) qui décident si les anciens employés atteints de ce type de cancer peuvent obtenir un dédommagement. « Pour le cas des employés de bureau, c’est beaucoup plus difficile de convaincre la CNESST, et il y a souvent des réponses négatives », poursuit-il.
M. Renaud est actuellement en attente de leur décision.
« Pour l’instant, l’Université n’a pas reçu de rapport positif de la part de la CNESST concernant un ou des anciens employés qui auraient contracté une maladie en lien avec l’amiante chez nous », conclut Mme O’Meara. De son côté l’APRÈS l’UM a contacté ses 450 membres afin de les avertir des dangers potentiels, mais n’a reçu jusqu’à présent aucune plainte.
Objectif premier : informer
Le SGPUM souhaite que les résultats de cette enquête soient communiqués à l’ensemble de la communauté universitaire. « Il y a des milliers de personnes par jour qui fréquentent le campus, donc c’est vraiment important de s’assurer que les gens soient à l’abri, mais qu’ils sachent aussi comment se protéger, explique M. Renaud. Si j’avais su, je ne serais jamais allé fouiller dans mon plafond. » L’ancien professeur estime que le rôle principal de l’Université est de sensibiliser sa communauté.
« L’Université n’est pas coupable d’avoir utilisé l’amiante à l’époque, concède-t-il. Mais elle sera coupable si elle ne prend pas de moyens pour s’assurer qu’il n’y aura plus de contamination dans le futur. » Selon la présidente d’APRÈS l’UM, tout le monde devrait être informé des effets de l’amiante, dans la mesure où celui-ci peut toucher autant les ouvriers que concierges d’immeubles, les employés de l’Université ou même les étudiants.
Mme O’Meara affirme que lors des prochains travaux sur le campus, des séances d’information sur l’amiante seront données aux employés. De plus, des travaux de désamiantage sont prévus au cours des prochaines années.
1. www.lapresse.ca/actualites/201912/13/01-5253708-possible- exposition-a-lamiante-dex-employes-de-ludem-sinquietent- pour-leur-sante.php