Volume 27

Le 19 janvier, une cérémonie commémorative s’est tenue pour rendre hommage aux victimes du vol PS752. Plusieurs associations étudiantes y ont participé.

Des étudiants iraniens témoignent

« Il y a de la colère, du chagrin, de la tristesse, résume l’étudiante au doctorat en psychopédagogie à l’UdeM Sheyda*. C’est un moment très difficile pour la communauté, et particulièrement pour nous, les étudiants », explique-t-elle, au sujet des récents évènements concernant l’avion qui a été abattu par l’armée iranienne.

« Ça a été très dur quand on a attendu trois jours avant que le gouvernement iranien nous dise ce qu’il s’était passé avec l’avion , se remémore Sheyda. C’était vraiment triste pour tous les Iraniens, mais surtout pour nous, les immigrants, parce que beaucoup de victimes étaient comme nous. » L’étudiante fait partie des membres de la communauté iranienne de Montréal qui ont organisé une commémoration, le 19 janvier dernier, en l’honneur des victimes du vol PS752.

« On a vu beaucoup de vidéos et d’images controversées, souligne l’étudiante. Maintenant, on sait que c’étaient deux missiles qui ont abattu l’avion.» Elle déclare que pour beaucoup d’Iraniens, des questions restent encore sans réponses.

Inquiétudes et espoirs de la communauté

Depuis plusieurs mois, l’Iran est le théâtre de fortes tensions internes. L’étudiante au baccalauréat en microbiologie et immunologie Melika Fahdel, née au Québec de parents iraniens, espère que les récents mouvements de contestation feront basculer le régime. « Je regarde les nouvelles et j’ai espoir, confie-t-elle. Le régime n’investit pas assez dans la population iranienne, qui vit dans la pauvreté, tandis que tout l’argent est versé à l’armée. »

Le doctorant à l’UdeM spécialisé en économie politique du Moyen-Orient, Vahid Yücesoy, explique que les récentes manifestations anti-régime ont été fortement réprimées. « En novembre 2019, l’Iran a coupé Internet pendant cinq jours, alors que les Gardiens de la révolution étaient en train de massacrer la population, selon Reuters », détaille-t-il. D’après le doctorant, il s’agissait des plus grosses manifestations anti-régime depuis quarante ans.

« Les Iraniens ont perdu patience, alors les slogans deviennent plus radicaux et les gens demandent de plus en plus un renversement de ce régime, pour qu’il soit remplacé par un État démocratique », soutient le jeune chercheur affilié au CÉRIUM.

Sheyda explique qu’elle ne veut pas de la guerre pour changer de régime, car beaucoup de membres de sa famille habitent en Iran. « Ce qui est important, c’est la paix, soutient-elle. Ça fait plusieurs mois qu’on reçoit des nouvelles tristes sur l’Iran, et en tant qu’immigrant, c’est très difficile. On habite ici, au Canada, mais nos familles sont là-bas. » L’étudiante affirme préférer le statu quo, pour éviter la violence.

Melika espère voir un changement se profiler à l’horizon, même si elle en doute. « Parfois, on a l’impression que ça va changer, et parfois non, explique-t-elle. Pour mes parents, les révoltes, c’est l’espoir que ça change, qu’il se passe quelque chose, que l’état s’améliore. » L’étudiante partage le sentiment de ses parents.

Une population polarisée, une diaspora divisée

« Les jeunes Iraniens sont ceux qui sont dans les rues et qui meurent, mais il y a encore une grosse partie de la population iranienne qui est religieuse et qui appuie le gouvernement, poursuit l’étudiante. J’ai de la famille avec une mentalité plus conservatrice et de la famille qui veut le changement ». Elle dévoile que sa famille est originaire de Mashaad, une de villes les plus religieuses du pays. « C’est dur d’avoir un changement si toute la population n’est pas dedans », croit-elle, ajoutant qu’elle craint que le gouvernement continue de tuer des gens pour faire cesser les révoltes.

Vahid estime lui aussi que la population iranienne est divisée. « Le contexte en Iran est tel que si tu manifestes contre le régime, il y a de fortes possibilités que tu te fasses tuer, arrêter, torturer, c’est très dangereux, détaille le doctorant. À la suite de la mort de Qassem Soleimani, nous avons vu des manifestations de masse prorégime, orchestrées par le régime. » Il ajoute que des étudiants du primaire et du secondaire ainsi que des fonctionnaires ont été obligés d’assister à ces manifestations, en faisant croire au reste du monde que le régime était encore très populaire.

* Nom fictif, l’étudiant(e) préférant garder l’anonymat par peur de représailles.

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