L’idée de créer un programme lié à l’enquête a surgi en 2002 à l’UdeM. « Je m’étais rendu compte que plusieurs des étudiants s’intéressaient à la criminologie, non pas nécessairement pour devenir des intervenants psychosociaux, mais davantage pour attraper des délinquants », explique la responsable du certificat en criminologie et ancienne responsable du certificat d’enquête et renseignement, Fabienne Cusson. Une étude menée par la Faculté de l’éducation permanente quelques années plus tard a permis d’évaluer à la fois l’intérêt des étudiants, les besoins du marché et les ressources disponibles à l’échelle de l’UdeM.
« Les conclusions ont été extrêmement positives, déclare Mme Cusson. Il y a eu un grand enthousiasme de la part du marché du travail. » Pour permettre le développement du programme, un partenariat a été établi entre des organisations publiques et privées, Polytechnique Montréal et les départements de droit et de criminologie.
Au-delà du domaine criminel
Des données récoltées auprès d’une vingtaine d’organisations lors de cette étude ont révélé que ces dernières étaient souvent contraintes d’embaucher des enquêteurs issus du milieu de la police — même si leurs activités n’étaient pas liées au domaine du criminel — et qu’elles devaient les former sur le lieu de travail, précise Mme Cusson. Selon elle, l’étude a permis une autre découverte. « Nous avons constaté à quel point de nombreuses enquêtes sont menées à l’extérieur du cadre de la police », souligne-t-elle.
Tous les ministères, les grandes entreprises telles que Bell ou Vidéotron, les institutions bancaires ou encore les ordres professionnels détiennent une équipe d’enquêtes, signale le responsable actuel du certificat en enquête et renseignement, Guillaume Louis. « L’enquête est partout et la section policière est vraiment toute petite, comparée à la super géante qu’est la planète réglementaire, c’est-à-dire tout ce qui est en dehors du cadre criminel », lance-t-il. Mme Cusson rapporte que selon l’étude sur les perspectives d’avenir conduite par la faculté, près de 80 % des enquêtes sur le marché ne sont pas liées au domaine policier1.
Il n’empêche que si le certificat n’est pas destiné à former des étudiants à l’enquête criminelle, des notions et des stratégies d’enquête et de recherche enseignées en classe s’en inspirent, explique M. Louis. « Puisque la police a servi de laboratoire pour définir de bonnes pratiques d’enquête, un bon nombre d’enquêteurs sont issus du monde policier », développe-t-il. Le plus important, selon lui, est que les professeurs du programme, dont certains sont d’anciens employés de la police, soient capables d’exporter ce savoir vers d’autres secteurs d’enquête.
Le certificat offre de nombreux cours dans des domaines variés comme la stratégie d’enquête, le droit pénal et judiciaire, la communication, la gestion de projet en sécurité, ou encore la criminologie.
Démythifier le profil de l’investigateur
Mme Cusson estime que le profil type de l’investigateur est un mythe qui gagne à être revu. Popularisée par des séries télévisées, l’image de l’enquêteur qui circule sur les médias a été faussée, selon elle.
Elle dénonce particulièrement le caractère dénaturé des activités criminelles diffusé dans les médias. « Dans un cas criminel, l’homicide est exceptionnel, la prestance sociale du criminel est exceptionnelle, souligne-t-elle. Les médias mettent l’accent sur l’exceptionnel, parce que c’est ce qui vend le plus, alors que ce n’est pas la norme. »
Afin de dissiper ces croyances chez les étudiants, celles-ci ont été déconstruites lors de la séance d’information et du premier cours de Théories d’enquête du programme. « On ne voudrait pas que les étudiants aient à passer au travers de 30 crédits pour réaliser que ce métier n’est pas ce qu’ils cherchent à exercer, ajoute Mme Cusson. Il faut savoir que c’est un métier qui n’est pas pour tout le monde. »
Les défis du métier
Lors du lancement du certificat à l’automne 2018, 160 étudiants se sont inscrits, un nombre plus élevé par rapport à ce que les professeurs de la Faculté de l’éducation permanente imaginaient. Cette année, le programme a attiré autant de personnes.
L’étudiante en enquête et en renseignement Léanne Schinck termine le programme cette session et est ravie de son parcours. « Si j’avais à suivre les cours une deuxième fois, je n’hésiterais pas un instant », s’exclame-t-elle. Elle est étonnée des nombreuses possibilités d’emploi dans le domaine de l’enquête. « Avant de commencer le certificat, je ne pensais pas qu’il pouvait y avoir autant de débouchés professionnels », affirme-t-elle.
Malgré les défis du métier auxquels Léanne a été confrontée pendant son cursus, notamment l’activité d’intégration (voir encadré), l’étudiante ne s’est pas découragée. « Même si c’est très intense comme expérience, le niveau de difficulté de l’activité d’intégration est nécessaire », avance-t-elle.
M. Louis reconnaît que l’activité peut sembler difficile pour certains, mais il la considère comme extrêmement importante, parce qu’elle présente aux étudiants une parcelle de ce que sera leur réalité au travail.
1. Piette, I. (2017). Dossier d’opportunité — Certificat en enquête et renseignement. Rapport produit pour le Bureau d’études et de développement, Faculté de l’éducation permanente, Université de Montréal.
