Le film Antigone a été présenté le 5 novembre au Théâtre Outremont, lors d’une projection spéciale précédant la date officielle d’ouverture du festival Cinémania. L’évènement, qui a eu lieu trois jours avant le lancement du film dans les salles de cinéma du Québec, s’est déroulé à guichet fermé, tout comme ses deux projections au Festival du nouveau cinéma, les 14 et 18 octobre derniers.
L’attaché de presse de Cinémania, Lorenzo Feldhandler, explique que la mission du festival est de faire découvrir le cinéma de toute la francophonie, sans distinction de pays ou d’origine. « Cinémania a pour vocation première de présenter des films francophones, sous-titrés en anglais, explique-t-il. D’où la présence d’une majorité de productions françaises ou d’autres pays de la francophonie comme la Belgique ou la Suisse. » À l’exception d’Antigone de Sophie Deraspe et de Jeune Juliette de la réalisatrice Anne Émond, tous les films présentés au festival cette année sont des (co)productions françaises.
Mme Deraspe croit que les organisateurs de Cinémania ont voulu surfer sur la vague d’enthousiasme que suscite son film auprès du public. « Je pense qu’ils ont voulu profiter du momentum et de tout ce qui se passe autour d’Antigone », avance-t-elle. La réalisatrice a déjà présenté sa dernière réalisation à Toronto, en Corée et à Rome, où elle affirme avoir été ovationnée pendant plusieurs minutes, en compagnie de l’actrice principale, Nahéma Ricci. Antigone représentera également le Canada dans la course aux Oscars, en vue de la cérémonie de février 2020.
Force de caractère
La réalisatrice a d’abord découvert une version contemporaine d’Antigone, écrite par Jean Anouilh en 1944, lors de son année d’études françaises à l’UdeM. « J’ai été foudroyée par cette lecture, qui m’a immédiatement donné envie de lire la version originale de Sophocle, et ensuite celle de Bertolt Brecht et les autres, raconte-t-elle. Des modèles féminins aussi inspirants, il n’y en a pas beaucoup dans la littérature. » Après cette première année d’études, elle s’est immédiatement tournée vers le pro- gramme de majeure en cinéma, toujours à l’Université.
« La force d’Antigone est puissante et elle a continué de m’accompagner, précise Mme Deraspe. C’est pourquoi j’ai eu envie de réaliser ce film à ce moment-ci. » Elle explique qu’il lui était important que le récit soit contemporain et que les personnages soient des personnes auxquelles le public pourrait facilement s’identifier. « C’était important pour moi que les personnages parlent québécois, ajoute-t-elle. Ils sont ancrés dans cette culture-ci, même s’ils sont issus de l’immigration. » La notion de citoyenneté est d’ailleurs un élément central du film, puisqu’elle influencera le parcours d’Antigone et de sa famille.
Devenir Antigone
« Le personnage d’Antigone m’habitait fortement », affirme Nahéma Ricci. L’actrice raconte qu’elle était devenue obsédée par la question de savoir comment agirait Antigone dans une situation ou une autre, aujourd’hui à Montréal. « Cette exploration a beaucoup influencé ma vie personnelle, souligne-t-elle. Antigone baigne dans la tragédie, donc j’avais plus de mal à me saouler la gueule au parc avec mes amis, par exemple. »
Nahéma, qui a aujourd’hui 22 ans, raconte qu’elle a grandi à quelques pas du Cinéma Beaubien, dans l’arrondissement Rosemont–La Petite-Patrie. « À une phase de ma vie où j’allais moins bien, j’ai trouvé un réel réconfort dans la salle de cinéma, confie-t-elle. Je trouvais ça rassurant, même magique, d’être plongée ainsi dans la noirceur et dans une histoire. » Son interprétation du personnage d’Antigone a donc cimenté la cinéphilie qu’elle avait développée pendant sa jeunesse.