En ce qui concerne l’influence de l’instrument sur la réussite des aspirants-musiciens, il n’existe pas de formule toute faite, selon le professeur à la Faculté de musique de l’UdeM et chef d’orchestre de l’OUM, Jean-François Rivest. « C’est un fait que les jeunes musiciens n’ont pas vraiment d’argent pour se payer de très bons instruments, résume-t-il. Mais si quelqu’un a beaucoup de talent, il arrivera à tirer le meilleur d’un instrument quelconque et à se développer davantage. »
Il admet toutefois qu’un bon instrument aide beaucoup dans cette démarche. « On se développe mieux quand on pratique sur un instrument de qualité, parce que cela ouvre nos oreilles à des possibilités sonores beaucoup plus subtiles, ajoute M. Rivest. Plus l’instrument est bon, plus on pourra se développer rapidement ou dans les subtilités. »
Selon le violoniste et étudiant en musique Martin Choquette, le talent du violoniste revêt une bien plus grande importance que le violon sur lequel il joue. « Mais à partir d’un certain niveau de pratique, l’instrument doit être capable de sortir les sons recherchés, admet-il. C’est là que la qualité de l’instrument entre en jeu. »
L’importance de l’instrument dépend aussi de la partie de la musique qui est développée, selon M. Rivest, qui est également directeur artistique de l’OUM. « Si la partie de la musique est reliée à l’harmonie, au son, aux vibrations ou au timbre, alors plus l’instrument est bon, mieux c’est, élabore-t-il. Mais si la partie de la musique qui est développée est plutôt liée au côté sportif, c’est peut-être moins important si les dimensions demeurent les mêmes. »
L’argent malgré tout
L’étudiant en deuxième année de maîtrise Flavien Roger, qui a acquis l’an dernier un basson pour 38 000 $, abonde dans le même sens. « Avant, j’avais un instrument pour amateur, pas pour quelqu’un qui vise une carrière professionnelle, explique-t-il. Ma progression est beaucoup plus rapide, maintenant. »
M. Rivest indique toutefois qu’un prix élevé n’est pas nécessairement un gage de la qualité d’un instrument. « Pour un piano, on pourrait presque dire « plus on paye cher, plus il va être bon », ce qui n’est pas vrai du violon, précise-t-il. J’ai connu des Stradivarius qui ne sonnaient pas si bien que ça. »
Flavien évoque donc inévitablement la variable de l’argent. « Pour un instrument de qualité professionnelle, les prix commencent autour de 30 000 $, souligne-t-il. J’ai la chance d’avoir des parents qui m’aident financièrement, mais je connais des personnes qui n’ont pas cette chance. Pour eux, un instrument de moins bonne qualité finira par devenir un frein au bout d’un moment. »
Facteurs sociaux et familiaux
Au-delà de cette aide financière, Flavien ajoute que le soutien familial dont il bénéficie depuis longtemps compte également pour beaucoup. « C’est grâce à mes parents que j’ai pu commencer la musique à neuf ans, car ce sont eux qui m’ont poussé, note-t-il. Ils apprécient la musique et ont cherché à m’apporter le plus de choses différentes. »
L’étudiant, originaire de France, explique que l’accès aux instruments y est plus facile qu’au Québec. « L’accès à la musique peut revenir moins cher avec les aides, explique-t-il. Mais c’est sûr que le plus gros investissement, c’est souvent l’achat d’un instrument. »
M. Rivest confirme que ces facteurs socio- économiques ont une incidence importante sur l’apprentissage, mais qu’ils ne sont pas les seuls. « Le facteur le plus important est que les enfants soient exposés tôt à la musique, estime-t-il. L’oreille et la passion musicales sont des attributs humains qui se développent dès le plus jeune âge. S’il y a bien une chose de gratuite dans la vie, c’est de chanter à son enfant en le couchant le soir. » Des petits gestes comme celui-là sont donc beaucoup plus importants que le compte en banque familial, selon le professeur.