Quartier Libre : Tu as travaillé pendant neuf semaines à Spectre de rue, un organisme qui propose un SIS. En quoi est-ce que ce travail est lié à tes études ?
Marie-Ève Grenier : J’ai étudié en technique d’intervention délinquance et fait deux certificats à l’UdeM : toxicomanie et sexualité. Après avoir suivi un cours sur la toxicomanie, les SIS ont toujours été pour moi un objectif professionnel.
Q. L. : Quelle est la mission de ce lieu ?
M-È G. : À Spectre de Rue, on travaille sur la réduction des méfaits personnels et sociétaux en rendant les usagers de drogues responsables de leur consommation. Sans les SIS, une personne peut consommer à l’extérieur et risquer de faire une overdose, de laisser sa seringue traîner et de propager des infections transmissibles par le sang. Souvent, les gens pensent que si l’on donne des seringues et des salles où s’injecter de la drogue, on encourage la consommation. Mais que l’on soit là ou pas, les usagers vont consommer de la même façon. Il faut juste s’assurer qu’ils le font de manière sécuritaire pour eux-mêmes et pour les gens autour d’eux.
Q. L. : Qu’est-ce qui t’a plu dans cette expérience de travail ?
M-È G. : Ces établissements ont une mission et des valeurs très humaines, tu respectes sans jugement la personne, son parcours, ses objectifs, son rythme. Quand j’étais là-bas, je voulais créer des liens avec les usagers. Ce sont des personnes qui ont besoin de raconter leur histoire et d’être écoutées, parce qu’elles sont souvent ignorées dans la rue. Lorsqu’elles arrivent dans nos services, le but est de les considérer comme des êtres humains.
Q. L. : Quelle expérience t’a le plus touchée ?
M-È G. : Les usagers nous racontent quelques fois comment ils en sont arrivés là, il faut comprendre qu’ils n’ont pas décidé du jour au lendemain de s’injecter des drogues ! Parfois, être intervenante peut être décourageant, car nous sommes exposés à une réelle détresse, mais cela fait partie du métier. Je me souviens d’une fois où un usager a fait une overdose. Je devais préparer le remède pour le lui injecter, mais je tremblais tellement que j’en ai renversé partout. Je n’arrêtais pas de me dire « il ne faut pas qu’il meure ! » On l’a sauvé, et au réveil, il a dit : « Merci de m’avoir sauvé la vie. » La situation a été très stressante, mais également gratifiante. Ça te remet les pieds sur terre.
Q. L. : Quel est le quotidien d’une intervenante au SIS ?
M-È G. : C’est imprévisible, parce que l’on côtoie des gens avec des humeurs changeantes, et la fréquentation varie. Certains habitués viennent tous les jours et d’autres seulement une fois par mois. Pour ce qui est de l’organisation, le SIS est divisé en trois salles : le site fixe, où la personne procède à l’inscription avec la possibilité de donner un pseudonyme pour préserver sa confidentialité ; la salle de repos, où elle peut manger et utiliser les ordinateurs ; et enfin celle où elle procède aux injections.
Q. L. : Comment se déroulent les injections ?
M-È G. : C’est la personne elle-même qui procède à l’injection avec la seringue, car on considère qu’elle est autonome. Le maximum que l’on puisse faire, c’est de pointer là où la personne doit insérer l’aiguille et l’aider en montrant des points d’injection sécuritaires, par exemple. Parallèlement, on met de la musique et on jase avec eux. Les intervenants et infirmiers n’interviennent que s’il y a des complications ou une overdose.