Volume 26

Le droit à la grève

«Les associations étudiantes auraient tout avantage à essayer d’obtenir une certaine protection du droit de grève, de peur de le voir disparaître en entier », estime le professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval Louis-Philipe Lampron. Pour lui, le droit de grève devrait être reconnu dans un texte de loi, puisque pour l’instant, il laisse place à une certaine interprétation.

Il explique que, selon la rhétorique gouvernementale utilisée lors des mobilisations contre les frais de scolarité de 2012, les étudiants qui composent les différentes associations étudiantes universitaires jouissaient d’un droit individuel de « boycotter » leurs cours. Cependant, ce droit ne s’étendait pas aux groupes de personnes. Ainsi, les votes en faveur de grèves effectués dans les associations étudiantes n’étaient pas formellement reconnus. Des étudiants contre la grève ont ainsi profité de ce flou juridique afin de se voir octroyer des injonctions par les tribunaux. Celles-ci leur ont permis d’outrepasser la démocratie étudiante.

Cette saga a provoqué un changement de paradigme important, selon M. Lampron. « C’est [ne pas reconnaître le droit de grève] une manière très claire d’affaiblir ostensiblement le moyen de pression qui était exercé et respecté dans une certaine mesure jusqu’en 2012, par les établissements d’éducation supérieure, les universités et les cégeps », explique-t-il.

Se protéger contre le pire

Pour le secrétaire général de la FAÉCUM, Matis Allali, 2012 ramène à des souvenirs d’étudiants déposant des injonctions pour reprendre les cours malgré la grève. Ces injonctions étaient très souvent octroyées par les différentes cours de justice. Il se souvient également d’une fois où un juge a exigé d’une association le remboursement des droits de scolarité d’un étudiant de l’Université Laval. Il estime que la situation pourrait être évitée si le droit de grève était encadré. Selon lui, cela pourrait également protéger les élèves d’une situation d’échec.

Le président de l’Union étudiante du Québec (UEQ), Guillaume Lecorps, déplore lui aussi le fait que des étudiants puissent potentiellement être mis dans une telle situation pour s’être mobilisés. « On assiste parfois à des adaptations un peu périlleuses de la part des administrations universitaires », regrette-t-il. Même si le droit de grève n’est pas formellement reconnu, l’UEQ demande au gouvernement, lorsque c’est nécessaire, de ne pas laisser perdurer ce genre de précédents « dangereux ». « On trouve que, même en l’absence de reconnaissance formelle du droit de grève, c’est une situation de droit et de négociation qui n’est viable pour aucune des parties en cause », déplore Guillaume.

Certaines limites

Pour Matis, la reconaissance légale du droit de grève n’a pas que des bons côtés, puisqu’elle vient avec une certaine nécessité d’encadrement. Selon lui, les associations étudiantes voient la situation comme potentiellement contraignante, puisque cela impliquerait probablement de faire certaines concessions limitant leur liberté d’action.

À ce jour, les modalités nécessaires pour qu’une grève ait lieu sont décidées par les membres des associations et varient donc de l’une à l’autre. Avec un encadrement, certaines mesures pourraient devenir obligatoires. Le secrétaire général prend pour exemple un pourcentage d’appui minimal à une levée de cours pour qu’elle soit acceptée. Même si les étudiants présents à une assemblée générale votent une grève à majorité, et que le quorum est respecté, ce vote pourrait malgré tout être invalidé advenant que moins de 10 % des membres de l’associations se soient prononcés en faveur de la levée de cours.

Positions en suspens

La FAÉCUM n’a toutefois pas de position claire sur l’encadrement du droit de grève. « Du côté de nos associations étudiantes, ce n’est pas quelque chose qu’on identifie comme une priorité, soulève-t-il. Par contre, à chaque fois qu’il y a des grèves, la question survient. » La situation est similaire à l’UEQ.

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