Je suis plutôt à l’aise pour en parler. Un rapide sondage au sein de la rédaction m’a fait réaliser que nous avions tous eu recours, à plus ou moins haute intensité, à ce type de subterfuge durant nos études. Alors est-ce que c’est si grave, la triche à petite échelle ?
Différencions néanmoins la fraude du plagiat. La triche comme je l’entends a quelque chose d’excitant. Sûrement la peur de se faire attraper. On assiste parfois même à une certaine fraternité entre comparses, qui rend la chose presque attirante. Et puis pour quelques points en plus à un examen, est-ce que ça change les choses in fine ?
Comprenons-nous, je ne cautionne pas la triche et n’en ferai pas l’apologie. Ce n’est pas quelque chose de bien, mais j’ai appris à l’accepter, car elle fait partie de nos travers.
Il n’y a aucune raison d’en être fier ou de s’en vanter. Je vais plutôt tenter d’analyser ce vice.
En chacun de nous
La triche a quelque chose de culturel. Elle fait partie intégrante de nos sociétés depuis des centaines d’années. On peut remonter au tableau Le Tricheur à l’as de carreau (voir photo) de Georges de La Tour vers 1630 pour en témoigner.
La période des impôts, qui vient de débuter, permet certains parallèles. Il faut mettre fin à cette hypocrisie. Même armés de nos plus belles valeurs de partage et de générosité, la plupart d’entre nous souhaitent payer le moins d’impôt possible.
Il n’est pas question de fraude ici, tout est légal, mais chacun s’assure d’atteindre le meilleur résultat en faisant le moins d’effort. Par exemple, la grande majorité des étudiants cherche de l’aide pour s’y retrouver et obtenir un remboursement d’impôt avantageux.
Et que dire des grands groupes mondiaux, passés maîtres dans l’art de l’optimisation fiscale, que ce soit avec l’aide du gouvernement américain, comme Amazon (1), ou en utilisant des paradis fiscaux (2). Là encore, rien d’illégal aux yeux de la loi. Pour la morale, c’est autre chose…
Une pratique surannée
Le plagiat, à l’inverse, requiert une certaine froideur, un esprit calculateur et une volonté de dissimuler les preuves. Très peu pour moi.
Cette pratique a également des origines lointaines. On en trouve la trace durant l’Empire romain où elle permettait la transmission du savoir (3), notamment d’un maître à ses disciples. Un procédé noble et vu comme quelque chose de positif dans les sociétés de l’époque.
De nos jours, c’est nettement moins le cas. Prenons l’exemple de l’humoriste Gad Elmaleh. Peut-être n’avons-nous rien compris à sa démarche. Peut-être cherchait-il simplement à promouvoir le travail de ses collègues auprès du plus grand nombre en volant leurs blagues pour construire sa carrière ? Malheureusement pour lui, la société a évolué et les personnes dans son genre devraient en faire autant.
Mais le plagiat persiste, notamment à l’université. Une nouvelle campagne censée sensibiliser les étudiants vient d’être mise sur pied à l’UdeM. Un projet louable, mais quand on voit que 19 % à 45 % des infractions alléguées aux règles du droit d’auteur n’ont pas été sanctionnées dans les universités québécoises (4), on se dit que les plagieurs ont encore de beaux jours devant eux.
Fin d’une ère
La triche a quelque chose d’atavique, d’inhérent à l’être humain. On se la transmet de génération en génération, comme un tas d’autres choses. Ce besoin de truquer la réalité en notre faveur. On triche tous les jours. De petits mensonges nous facilitent le quotidien.
Mais l’essor de l’intelligence artificielle ne viendrait-il pas mettre fin à tout ça ? Car l’IA n’a pas grand-chose d’humain. Elle pourrait être utile pour l’apprentissage des langues, comme le pense le professeur de l’UQAM Simon Collin, mais elle devrait mettre un terme à la confrérie des tricheurs. L’IA tend à la perfection, éliminant de ce fait tous les défauts de fabrication qui font notre essence. Dont notre irrésistible envie de tricher. Alors s’il vous plaît, ne faites pas comme nous. Évitez de tricher… avant que ça ne devienne trop risqué.