Volume 18

Dessine-moi le futur

Les designers industriels ont déjà commencé à réfléchir à la société de demain. Leur plus grand défi ? Adapter notre environnement à un nombre grandissant de personnes âgées. Et nous dans tout ça ?

Le vieillissement de la population ne transforme pas seulement le monde du travail ou le domaine de la santé. Les objets que nous manipulons, les espaces dans lesquels nous vivons et les modes de communication utilisés doivent eux aussi s’adapter au nombre croissant de gens ayant atteint l’âge d’or. Que ce soit la création d’une canne destinée à faciliter les déplacements dans les escaliers, d’une clé indiquant la présence de courrier dans la boîte aux lettres ou d’une interface de vidéoconférence en ligne simplifiée, les nouveautés ne manquent pas dans le domaine du design. Rencontre avec la designer et professeure Tatjana Leblanc de l’École de design industriel de l’UdeM.

«Les designers ne font pas que penser à des gadgets!», lance d’entrée de jeu la souriante professeure blonde. En effet, elle explique que depuis déjà plusieurs années, une nouvelle génération de designers s’est orientée vers les besoins humains, et donc ceux des personnes âgés. En 2008, plus de 90 représentants d’universités et de collèges ont signé la Déclaration de Kyoto, qui favorise une approche basée sur l’humain et le design durable.

Pour grand-papa et fiston

Soyez sans crainte. Malgré le nombre grandissant de personnes âgées dans nos sociétés occidentales, Tatjana Leblanc indique qu’il n’est pas souhaitable de créer des objets uniquement pour cette tranche d’âge. «Cela serait stigmatisant. Les personnes âgées ne veulent pas se faire étiqueter comme “vieilles” en achetant des produits leur étant uniquement destinés.»

Le défi des designers du XXIe siècle sera donc de dessiner des produits qui pourront servir à un large spectre d’âges, plutôt que de créer des objets destinés à des groupes d’âges précis. «La clé se trouve dans la personnalisation, dit la professeure. Un même produit doit pouvoir être configuré de différentes façons afin de combler les besoins des gens de différents âges.» Elle donne en exemple les piluliers, qui facilitent la prise quotidienne de médicaments. «Ce ne sont pas que les personnes âgées qui doivent prendre des médicaments sur une base régulière. Les adultes ou les jeunes atteints de maladies chroniques en ont également besoin, d’où l’importance de créer un produit qui peut répondre aux besoins d’une clientèle variée.»

Design durable

Les préoccupations des designers ne s’arrêtent pas à l’inclusion des diverses générations. Elles portent également sur la durabilité des produits et des environnements. « Nous [les designers industriels] travaillons désormais de concert avec des ingénieurs et des designers d’intérieur afin d’intégrer une dimension évolutive aux logements des gens. Vieillir chez soi est possible et nous faisons en sorte que les maisons ou les appartements puissent s’adapter au fil des années aux besoins spécifiques à l’âge des gens qui y résident. La notion de développement durable est très importante. » C’est ainsi que des résidences sont construites dans le but d’assurer un accès facile aux armoires de la cuisine, de limiter le besoin d’utiliser les escaliers en maximisant l’espace sur un même étage ainsi que d’améliorer l’éclairage en installant des capteurs de mouvements qui éclairent la pièce dès qu’on y entre.

Certains objets sont toutefois plus difficiles à adapter, comme les téléphones cellulaires. «Avec des boutons toujours de plus en plus petits et des interfaces compliquées, ça pose un problème pour des gens dont la vue baisse ou qui ont de l’arthrite dans les mains », indique Tatjana Leblanc. Cette dernière souligne également l’importance d’un regard nouveau sur les tâches des designers. Ceux-ci s’intéressent grandement aux dessins, symboles et autres pictogrammes intégrés aux nouveaux téléphones cellulaires. « De plus en plus, la communication passe par des écrans et non plus par des claviers, ce qui facilite la compréhension », explique la designer. L’importance d’améliorer l’utilisation en se servant de symboles clairs est donc primordiale pour les designers d’aujourd’hui.

Même s’il s’avère toujours périlleux de prédire le futur, la professeure prévoit aussi une diminution du nombre d’objets dans notre quotidien. «Il va y avoir une intégration des commandes et des manettes, les gens n’auront plus à peser sur autant de boutons. De plus, la personnalisation fera en sorte que les environnements s’adapteront au rythme des changements d’une personne à l’autre. Les gens ne veulent pas tous rentrer dans le même moule, ce sera aux objets autour d’eux à s’adapter.»

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