«La plupart des gens s’imaginent qu’il s’agit juste d’œuvres réalisées par des robots, mais c’est beaucoup plus large », indique l’ancienne étudiante en histoire de l’art à l’UdeM. L’art robotique existe depuis les années 1940 et comprend toutes les productions dans lesquelles l’artiste intègre des éléments de la robotique, précise-t-elle.
Créativité et IA
Le développeur en apprentissage par machines chez Google Brain** Pablo Castro développe des outils d’intelligence artificielle (IA). Il s’interroge sur la capacité des machines à développer une autonomie et une créativité artistique, notamment en musique.
Pour lui, l’IA n’est pas encore assez développée pour créer une œuvre toute seule. « Il y a toujours au moins une personne derrière la machine, qui développe l’œuvre, l’alimente en données et vérifie le modèle, indique-t-il. Ce n’est pas de la création à partir de rien. »
M. Castro estime qu’il est très difficile de prévoir ce que l’algorithme va produire, en raison de sa complexité. Toutefois, il ajoute qu’il peut en contrôler la variabilité. « On a ce qu’on appelle la “température”, qui gère le caractère aléatoire de la création par IA, poursuit-il. On peut éventuellement appeler ça de la créativité, mais ça reste une notion très mal définie. »
Dans son groupe de musique, il utilise un logiciel qui analyse les pistes d’instruments déjà enregistrés pour proposer une mélodie composée exclusivement par IA.
Le professeur en sciences informatiques de l’UdeM Guillaume Rabusseau note que l’IA est aujourd’hui suffisamment entraînée pour comprendre et analyser un style artistique. « Nous sommes encore loin d’avoir des machines qui décident par elles-mêmes de créer, note-il. En revanche, elles sont capables de créer des peintures très impressionnantes, ou de reproduire le style de Rembrandt**. »
Au service de l’artiste
Catherine pense que les robots peuvent aussi et surtout être un outil au service de la création. C’est ce qu’étudie M. Castro dans ses recherches chez Google. « Les machines offrent de nouveaux pouvoirs à la création artistique, confirme le développeur. La vraie question est : comment les artistes peuvent-ils utiliser ces nouvelles technologies ? »
À l’avenir, de plus en plus d’outils musicaux se serviront de l’IA, d’après lui. « Tu en retrouves même dans les claviers électroniques ou dans les pédales qui accompagnent une guitare, dit-il. Les artistes les utilisent de plus en plus, mais souvent avec l’aide d’un développeur. » Pour lui, la recherche porte désormais sur la simplification de ces outils pour les présenter au grand public.
Une multitude de produits sont déjà concernés, poursuit-il. « On a des applications, comme Garage Band ou certains services de Spotify, qui sont de plus en plus faciles à créer pour les concepteurs, et à utiliser pour le public, affirme-t-il. Il ajoute que dans les années 1970, il fallait un ingénieur du son pour produire un album. « Maintenant, on fait quelque chose de bonne qualité depuis son sous-sol grâce aux machines », note le développeur.
Les artistes du futur ?
M. Castro pense qu’il est difficile de faire des prédictions quant au futur des robots-artistes. « Chaque mois, on réalise des recherches qui offrent de nouvelles possibilités, explique-t-il. Mais les robots ne seront pas les artistes de demain. Il y a un aspect très humain dans les productions artistiques, auquel les gens sont attachés. »
Catherine Deschamps-Montpetit explore dans son mémoire certains enjeux liés aux robots-artistes. Pour elle, voir se développer ces nouveaux acteurs impliquerait une remise emise en question de la figure de l’artiste et de l’exception humaine. « On pense souvent que l’humain est doté d’un statut exceptionnel parmi les autres vivants, à cause, entre autres, de sa créativité et de sa conscience », déclare la chercheuse.
Pour elle, cela suppose de repenser le rapport que la société entretient avec les machines, surtout dans le domaine artistique. « Le public est sensible à la touche d’humanité que l’on retrouve en art, poursuit-elle. Il aime idéaliser la créativité et les personnes créatives. » Il existe, d’après elle, une glorification de l’artiste que l’on aura du mal à retrouver chez le robot.
* Les artistes artificiels de Human Study 1 : l’automatisation en art actuel, janvier 2018. ** Projet de recherche en apprentissage profond (par IA) mené par l’entreprise Google. *** L’œuvre The Next Rembrandt (2016) d’ING est le résultat d’une analyse de 300 tableaux du peintre par IA. L’algorithme généré a pu reproduire une toile au style semblable à celui du maître néerlandais.