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Faire parler les affiches oubliées de l’après-guerre

Le professeur au Département d’histoire de la Faculté des arts et des sciences Carl Bouchard a organisé les 19 et 20 octobre dernier le Colloque « 1919 : (Dés)ordre mondial ». L’événement a souligné les 100 ans de la fin du conflit et a abordé différentes problématiques de l’après-guerre. L’expert a profité de la vaste collection d’affiches de la BLSH pour monter l’exposition du même nom et présenter ces enjeux de manière plus visuelle.

2Elle est présentée à BLRCS, au 4e étage de la BLSH.

Origine : inconnue

Le bibliothécaire de la BLSH Thomas Mathieu a collaboré avec M. Bouchard pour mettre en place l’exposition. Pour lui et le reste des experts archivistes de la bibliothèque, l’origine de la large collection d’affiches de l’entre-deux-guerres exploitée pour 1919 : (Dés)ordre mondial reste un mystère.

« Honnêtement, on ne sait pas d’où proviennent ces affiches, avoue-t-il. Avec l’Université, on a fait quelques recherches sans succès pour savoir comment on (l’Université de Montréal) a pu mettre la main sur autant d’œuvres. On a même vérifié dans les archives pour savoir s’il y avait eu des compensations financières ou des lettres de remerciement aux donateurs, mais on n’a rien trouvé. » La question de l’origine des 26 illustrations qui composent l’exposition reste donc en suspens.

Paix, misère et reconstruction

La sélection est axée autour de quatre thèmes majeurs. « Le premier chapitre traite de la paix, indique M. Bouchard. Au terme de cette guerre, on a toute une réflexion sur la façon d’établir un nouvel ordre pacifique. » Pour le professeur, il est important de se pencher sur la question de la réconciliation d’États anciennement ennemis. « Comment faire pour réapprendre à vivre avec celui que l’on a combattu pendant des années?? s’interroge-t-il. C’est un des thèmes abordés. On a d’ailleurs placé les affiches montrant la difficulté liée à la réconciliation en parallèle de celles qui touchent au pacifisme et à la paix. »

Enjeu majeur de l’après-guerre, la question de la reconstruction est également évoquée. « Matériellement d’abord, parce que des zones entières sont détruites, mais on s’est surtout arrêté sur la reconstruction d’un point de vue social, poursuit-il. On a beaucoup d’affiches sur le retour des combattants et sur leurs difficultés de réinsertion. Après 1918, ce sont les premiers moments de l’effort humanitaire. »

L’Allemagne, au cœur du conflit, a fait l’objet d’une attention toute particulière lorsqu’il eut s’agit d’évoquer les redéfinitions territoriales. « De nombreuses affiches produites après la guerre contestaient le redécoupage du pays, observe l’expert en relations internationales. On a une véritable campagne qui s’est mise en place à travers l’affichage à ce moment-là. » Pour lui, l’affiche peut s’avérer un redoutable outil pour instaurer une politique de propagande.

« On avait de grands combats idéologiques à l’époque, déclare-t-il. Notamment idéologiques entre capitalistes et bolchéviques. » D’après lui, de nombreux historiens y voient les prémices de la Guerre froide. « On retrouve beaucoup d’affiches qui parlent de cette tension, poursuit-il. C’est surprenant, car elles sont extrêmement violentes visuellement. »

3L’exposition présente une sélection de 26 affiches.

 

4Elles sont issues de la collection de plus de 3?000 œuvres de la période de l’entre-deux-guerres de la BLRCS.

Afficher ses idées

Pour le professeur, la Première Guerre mondiale a permis un envahissement de l’affichage, secteur principalement privilégié par les commerciaux avant le conflit. « À cette époque, la guerre s’immisce partout et utilise tous les moyens mis à sa disposition, raconte-t-il. La réclame, très populaire au cours du 19e siècle, va alors devenir un objet de guerre. »

Elle s’est illustrée comme un moyen efficace de convertir et de pousser la population à endosser certains points de vue. M. Bouchard note que les affiches de l’époque se sont d’ailleurs peu à peu affranchies des textes. « On commençait à maîtriser les outils de propagande iconographique, note-t-il. Ce dont on avait besoin, c’était d’une image-choc et de quelques mots. On n’avait plus besoin d’avoir des textes qui duraient des pages entières. »

En maîtrisant ce média largement diffusé, les États ont d’après lui disposé d’un outil particulièrement efficace. « Après 1918, l’information était surtout diffusée par les journaux et les affiches, indique-t-il. On commençait juste à voir apparaître les actualités cinématographiques pendant la guerre, mais c’était encore très réduit. L’affiche restait le médium le plus efficace de l’époque. » Il note toutefois que l’affichage n’était pas aussi envahissant qu’aujourd’hui, même s’il s’agissait du moyen de diffusion privilégié de l’après-guerre.

5M. Bouchard utilise régulièrement les archives de la BLRCS dans son cours sur la Première Guerre mondiale.

6Elles seront exposées jusqu’au printemps 2019.

 

* Bibliothèque des livres rares et collections spéciales.

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