Quartier Libre : Est-il vrai que le fait d’interdire toute consommation partout sur le campus, dont les résidences, pourrait constituer une atteinte aux libertés individuelles ?
Anne-Marie Boisvert : Ce qu’on appelle les droits individuels, ce sont les droits qui sont protégés par la Charte canadienne ou par la Charte québécoise. On n’a pas le droit [constitutionnel] de fumer du cannabis. Ce n’est pas une liberté civile. Ce qu’il faut comprendre, c’est que le législateur fédéral a décidé, dans certaines circonstances, de décriminaliser un comportement. Toutefois, ce n’est pas parce qu’on l’a décriminalisé que ça donne automatiquement le droit constitutionnel à la consommation.
Q. L. : Est-il légitime que l’Université impose une telle réglementation ?
A.-M. B. : La loi québécoise permet d’interdire la consommation dans les endroits publics. Un argument que l’on pourrait faire pour contester la décision de l’Université, c’est qu’interdire complètement la consommation de cannabis, sous toutes ses formes et partout sur le campus, ça commence à ressembler à une décision morale, et ça, c’est du ressort du gouvernement fédéral. On ne peut pas interdire seulement parce que c’est mal. Toutefois, pour le cannabis, on pourrait argumenter que, comme ça sent très fort, c’est une nuisance. Par contre, quand on parle d’empêcher quelqu’un de manger un muffin [au cannabis], comme il n’y a pas de fumée et que ça n’a pas d’impact sur les gens qui se trouvent dans les environs, on pourrait supposer que c’est du droit criminel déguisé.
Q. L. : Est-ce que la légitimité peut dépendre du fondement de l’interdiction ?
A.-M. B. : Oui. On décide de ne plus vendre de bouteilles d’eau. On décide qu’il n’y aura plus de machines à boissons gazeuses. On décide beaucoup de choses sous prétexte du bien-être sur le campus, donc, si on décide d’interdire le cannabis, pourquoi pas ?
Q. L. : Quand on parle des résidences, même si ce sont des endroits qui sont privés, l’Université a-t-elle le droit de réglementer la consommation ?
A.-M. B. : Les étudiants paient pour avoir accès à leur chambre qui est, en effet, privée. Par contre, l’établissement appartient tout de même à l’Université. On peut faire les règlements que l’on désire chez soi. Après, à savoir si c’est « sage » de le faire, ça, tout le monde peut en discuter.
Q. L. : Justement, au Québec ou au Canada, qui décide de la légitimité d’un règlement ?
A.-M. B. : Ce sont les tribunaux. Par contre, pour que le cas soit étudié, il faut que quelqu’un conteste par lui-même le règlement et qu’il apporte des raisons valables de le faire.