Le professeur au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’UdeM André Habib précise d’entrée de jeu que la volonté de créer de l’art nouveau et original daterait, au plus tôt, du xviiie siècle. « Avant, l’art consistait à copier, déclare-t-il. Déjà dans l’Antiquité, plusieurs versions de la tragédie grecque de Sophocle Œdipe roi existaient au théâtre ». Ce constat s’applique aussi aux débuts du cinéma. Il donne en exemple L’Arrivée du train en gare de La Ciotat des frères Lumières sorti en 1895, un film de 50 secondes repris une quinzaine de fois.
La forme et le fond
Selon le professeur, les remakes au cinéma toucheraient plus la forme que le fond. Il s’agit souvent de tirer profit des moyens technologiques qui sont aujourd’hui à notre disposition. Il cite l’exemple de Psychose de Gus Van Sant, une version nouvelle de l’œuvre d’Alfred Hitchcock dans laquelle seuls les outils numériques et le son multipiste ont modifié l’œuvre. « C’est un film qui reprend plan par plan l’original, explique-t-il. Les mêmes angles ont été préservés et les mêmes échelles. C’est un cas de fidélité absolue. »
Dans d’autres cas, les réalisateurs ont pris la décision de modifier le contenu d’une œuvre. « Certains dialogues des années 1950 ne passeraient plus aujourd’hui en raison de leur misogynie, affirme M. Habib. Il en va de même pour le racisme du début du xxe siècle où l’on peignait le visage d’acteurs blancs en noir. »
La professeure au Département de musique Marie-Hélène Benoît-Otis assure que si le contexte politique d’une œuvre est très précis, le spectateur aura du mal à s’y identifier et l’œuvre relèvera alors davantage de la culture historique. Elle prend en exemple l’opérette-revue Le Verfügbar aux Enfers de Germaine Tillion. Créée à partir de chansons des années 1930 pour aborder la réalité des camps de concentration, l’opérette a modifié son répertoire de chansons. « Comme les chansons originales sont tombées dans l’oubli, le public contemporain ne comprendrait pas les références humoristiques », souligne-t-elle.
Le metteur en scène, comédien et professeur à l’École nationale de théâtre du Canada Vincent Côté apporte toutefois quelques nuances. Il affirme qu’il y a un danger à vouloir renouveler le contenu d’une œuvre. « Un remake peut inverser le sens d’une pièce, décrète-t-il. Elle peut devenir prétexte à autre chose, ce qui n’est pas souhaitable, car le métier de metteur en scène consiste au contraire à transmettre le mieux possible l’essence de l’œuvre. » Il donne en exemple la pièce Tartuffe de Molière, mise en scène par l’Allemand Michael Thalheimer. Les valeurs bourgeoises de la famille dans laquelle s’infiltre Tartuffe sont tellement ridiculisées, selon lui, que Tartuffe a l’air d’un sauveur plutôt que d’un imposteur.
M. Habib constate que les œuvres les plus renouvelées sont celles qui gardent une pertinence intemporelle, qu’il s’agisse de fables, de mythologies ou de thèmes universels.