D’après une étude de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture publiée en 2013, la production d’insectes pour la consommation humaine comporte plusieurs avantages pour l’environnement, comparativement aux produits animaliers. « Dix kilogrammes de nourriture vont produire un kilo de boeuf alors que la même quantité va produire neuf kilogrammes d’insectes, explique le gestionnaire de cette initiative étudiante nommée Insectivores qui produit de la farine avec les insectes, Gabriel Dubois. La production d’insectes demande aussi beaucoup moins d’eau. »
Selon le responsable aux finances et aux communications d’Insectivores, Samuel Richard, le coût de production des vers de farine est également assez faible. « C’est moins dispendieux que d’autres types d’entreprise, constate-t-il. C’est beaucoup plus un investissement de temps. »
Comme l’explique le responsable du développement d’Insectivores, Jonathan Joly, les infrastructures servant à la production des vers de farine sont relativement rudimentaires. « On utilise principalement des bacs qui sont placés en étages, informe-t-il. C’est assez simple comme installation. Le plus compliqué, c’est la traçabilité des insectes. Pour ce faire, on note tous nos bacs dans un fichier Excel. »
Gabriel ajoute qu’ils doivent rencontrer leurs partenaires, faire le tri des insectes et les nourrir. De plus, ils construisent leurs propres installations et donnent des conférences. « Le plus difficile, c’est d’être capable de gérer tout ça en même temps que nos études », admet-il.
Des produits trop coûteux ?
Pour le coordonnateur des collections zoologiques du Centre sur la biodiversité de l’UdeM, Étienne Normandin, les produits alimentaires faits avec des insectes sont dispendieux, ce qui peut constituer un frein à leur consommation. « En ce moment, 100 grammes vont coûter autour de 12 $ à 15 $, précise-t-il. Ça fait plus de 100 $ le kilo. C’est très cher comparativement à d’autres sources de protéines. » Selon lui, cela vient du fait que la production d’insectes n’est pas encore assez industrialisée. « Les producteurs sont réticents à investir dans des machines qui rendraient la production plus efficace, car ils ne savent pas s’ils vont vendre suffisamment pour faire des bénéfices », renchérit-il.
Cette crainte est confirmée par la propriétaire d’Uka Protéine, une entreprise spécialisée dans les produits alimentaires à base d’insectes, Marie-Loup Tremblay. Lorsqu’elle a lancé son entreprise en 2013, Mme Tremblay fabriquait les produits qu’elle vendait. Elle a toutefois cessé sa production. « Je me suis rendu compte que cela n’était pas rentable », confie-t-elle. Elle espère toutefois recommencer bientôt à faire ses produits. « L’objectif à moyen terme est de ravoir une production d’insectes, assure-t-elle. Mais il va falloir des partenaires. Je ne compte pas le faire seule. »
Une crainte liée à l’hygiène
Le prix n’est pas le seul frein à la consommation d’insectes. L’étudiante à la maîtrise en nutrition à l’UdeM Camille Bourgault s’intéresse à l’entomophagie, soit la consommation d’insectes par l’être humain. Pour ses recherches, elle a fait remplir un questionnaire à plus de 400 personnes. Dans son échantillon, seulement 10 % d’entre elles affirment avoir déjà mangé des insectes. « La majorité des gens ont peur que la consommation d’insectes puisse les rendre malades », explique-t-elle.
M. Normandin affirme que notre réticence à manger des insectes remonte à loin. « Historiquement, en Occident, c’est lorsqu’on a commencé à domestiquer les plantes et à développer de meilleures méthodes d’hygiène que les insectes ont commencé à être perçus comme étant des ennemis », rappelle-t-il.
D’après lui, la consommation d’insectes serait moins risquée pour la santé que celle d’autres animaux comme le cochon. « Les élevages d’insectes sont généralement beaucoup plus hygiéniques et beaucoup plus salubres que les élevages de bétail », défend-il.
Camille estime que la démocratisation de la consommation d’insectes ne passera pas uniquement par des arguments écologiques. « Il faut expliquer aux gens que les insectes, c’est bon au goût, soutient-elle. Il y a par exemple une compagnie qui fait un gin avec des fourmis parce qu’elles donnent un goût intéressant pour cet alcool. »
Ses recherches montrent également que la population est plus encline à manger un aliment sur lequel on ne voit pas d’insecte. « Quand on ne le voit pas, ça ne dérange pas », résume-t-elle. Elle suggère donc que l’industrie commence par vendre des produits faits avec des farines ou des poudres à base d’insectes, comme celle produite par Insectivores.