Une tendance s’impose en design d’intérieur depuis quelques années: le retour au style « canadien-français ». Agrémenter l’intérieur de nos maisons à l’aide d’objets en forme d’achigan ou une tête de cerf, pourquoi pas ? On peut présumer que le tout a débuté en février 2008, lorsque le collectif montréalais Samare présentait l’exposition Awadare (mot amérindien signifiant « Nous y vivons ») à la Galerie Commissaires. L’exposition mettait de l’avant des créations originales qui combinaient des méthodes amérindiennes de tressage de la babiche et le design moderne. La chaise Mush!, par exemple, est une chaise longue inspirée du fameux traîneau à chien.
Bien souvent, l’apparition d’un mouvement se fait en réaction à la tendance prédominante du moment. Aujourd’hui, la mondialisation a fait tomber les frontières et les designers des grandes entreprises désirent toucher le plus de gens possible. Ce style « international » se reflète dans des objets comme l’iPod d’Apple, un exemple parfait de standardisation afin de rejoindre le plus grand nombre. Les effets primaires de cette dépersonnalisation entraînent, en réaction, un désir de «surpersonnalisation».
Ainsi, les dernières années ont surtout été dominées par des grosses pointures telles que Philippe Starck et Karim Rashid pour ne nommer qu’eux. Leurs recherches formelles tendent vers la déconstruction des standards et la recherche d’originalité; que ce soit par des icônes telle la célèbre chaise transparente de Starck ou les couleurs criantes que revêtent les créations de Rashid.
Une autre explication envisageable serait une nostalgie généralisée devant ce monde où tout passe trop vite. Un besoin, en quelque sorte, de savoir que certaines choses ne changent pas. Des formes peuvent, tout comme la musique, nous ramener en mémoire de bons souvenirs : l’horloge grand-père, les trophées de chasse, le chalet en bois rond, etc., mais avec une touche contemporaine. De même, ce pourrait aussi être une projection de ce que nous désirions étant petit. En d’autres mots, cette volonté de retour aux sources est peut-être le résultat de la rencontre entre ce sentiment de nostalgie et la mondialisation.
Outre Samare, une autre firme québécoise s’est démarquée cette année par l’utilisation de l’iconographie canadienne-française. Taktikdesign a su attirer l’attention au SIDIM 2010 en y présentant des tableaux aimantés en forme de poisson ou de tête de cerf. De même, les aimants qui complètent le tableau sont faits en branche d’arbre, rehaussant le côté « chalet » de l’objet.
Enfin, il ne faut pas oublier l’aspect commercial, aidé par la publicité, de tout mouvement en design. Tel que l’évoque Jean Baudrillard dans Le système des objets (1970) : la publicité est «un spectacle permanent de la célébration de l’objet ». Il aurait été difficile d’imaginer une porte aimant en forme d’achigan au début des années 2000 alors que le sentiment global tendait vers une hypermodernisation. Que ce soit dans un intérêt social ou esthétique, l’émergence du mouvement canadien-français paraît en pleine ascension. Et, comme tout mouvement, le thème risque d’être poussé à son extrême. À quand le sofa en réelles écailles de poisson ?