Quartier Libre : De manière simple, qu’est-ce que le fentanyl ?
Anna-Noël Samaha : C’est un puissant analgésique de prescription, qui se revend dans la rue sous forme illicite. C’est un opioïde synthétisé en laboratoire et donc, non naturel. Il est utilisé pour traiter des douleurs sévères, souvent après des chirurgies. Il est également donné à des personnes souffrant de douleurs chroniques, devenues tolérantes aux effets analgésiques d’autres opioïdes.
Q. L. : Quelle est sa composition ?
A.-N. S. : S’il est prescrit, le fentanyl ne contient rien de plus qu’une molécule qui vient se lier à certains récepteurs spécifiques dans le corps et dans le cerveau. Acheté dans la rue, il est souvent couplé à d’autres choses comme de la cocaïne, de l’héroïne ou de la xylazine, mais sa composition exacte reste inconnue.
Q. L. : Quelles sont les différences de composition entre le fentanyl utilisé de manière récréative et celui destiné à un usage médical ?
A.-N. S. : En plus des différences de composition, une autre différence notable est la voie d’administration du fentanyl. Lorsqu’il est prescrit, le médicament est administré par injection ou sous forme de cachets. Détourné, il s’achète en poudre ou sous forme de buvard [NDLR Papier imbibé de la drogue en question, que les utilisateurs peuvent sucer]. Ce sont donc la forme, la voie d’administration ainsi que la composition qui marquent la différence d’usage.
Q. L. : Quels sont les effets directs et indirects sur notre organisme ?
A.-N. S. : Le fentanyl est un opioïde, tout comme la morphine et l’héroïne. Tous trois agissent à la fois comme dépresseurs du système nerveux central et sur les récepteurs situés dans le système digestif, la moelle épinière et le cerveau. Les effets communs sont souvent la relaxation profonde et l’euphorie. Le danger est que le fentanyl agisse sur les récepteurs qui contrôlent l’éveil et la respiration, ce qui entraîne des risques de dépression respiratoire, de coma et de surdose. Il existe également un risque lié aux intraveineuses. Celles-ci peuvent notamment augmenter les risques de contamination du sang.
Q. L. : Pourquoi est-il si néfaste ?
A.-N. S. : Le fentanyl est 50 à 100 fois plus puissant que la morphine et occupe plus de récepteurs nerveux, qui régulent des fonctions vitales. Les risques de dépression respiratoire et de lésions cérébrales sont plus élevés qu’avec d’autres opioïdes. Le risque de surdose est présent, même en consommant de toutes petites quantités.
Q. L. : Le fentanyl est-il plus addictif que d’autres opioïdes ?
A.-N. S. : Aucune donnée ne le démontre. Certes, les risques d’en mourir ou d’avoir des séquelles sont plus importants, mais cela ne veut pas dire que tous les utilisateurs deviendront toxicomanes. D’ailleurs, aucune drogue ne génère une addiction dès la première prise. La dépendance est un processus graduel.
Q. L. : Quels sont les premiers gestes à poser lors d’une surdose ?
A.-N. S. : Les usagers, bénévoles et associations qui viennent en aide aux toxicomanes peuvent être équipés de trousses de naloxone et sont formés pour l’administrer en cas de besoin. Cette substance renverse les effets d’une surdose de fentanyl. Elle s’administre par voie nasale et permet de ramener la respiration à un rythme normal.