Culture

Les artistes MALICIOUZ et Made in Shaïna ont collaboré pour créer cette murale située à l’angle du boulevard des Grandes-Prairies et de la 24e avenue, à Montréal. (Photo : Courtoisie Alexa Carrénard)

Colorer les murs, pas ses poumons

MALICIOUZ est une artiste montréalaise s’inspirant des gens qui l’entourent, de l’actualité et de ce qu’elle souhaiterait voir davantage représenté, par exemple les femmes noires. « Je pars de l’énergie qu’une personne dégage et je fais un personnage par rapport à ça », raconte-t-elle. Celle qui a réalisé plusieurs murales explique qu’elle porte un masque la majorité du temps et, plus rarement, des gants. « J’essaie, mais je les trouve inconfortables et donc, les fois où j’en mets, je finis par les enlever », avoue-t-elle.

Selon les endroits où MALICIOUZ peint, les inconforts causés par la pratique diffèrent. « À l’intérieur, il faut prendre des pauses pour aérer, précise la graffeuse. Même avec un masque, [la peinture] peut devenir trop présente dans l’air. » Lorsqu’elle est à l’extérieur, le vent est un couteau à double tranchant. Si celui-ci peut jouer en sa faveur, il lui renvoie parfois son jet de couleur au visage.

Une histoire de solvant

D’après le chimiste et agent de recherche à l’École de santé publique de l’UdeM Denis Bégin, la peinture en aérosol présente certains risques pour la santé, le plus important d’entre eux étant lié à l’inhalation de solvants. « Cela peut causer une dépression du système nerveux central », explique-t-il. M. Bégin décrit les principaux symptômes comme étant l’euphorie, la fatigue et les maux de tête.

Cependant, M. Bégin, qui a déjà travaillé dans l’industrie de la peinture, tempère cette affirmation en ajoutant que les solvants utilisés dans les bombes aérosol ne sont généralement pas les plus dangereux. « Ils sont vendus pour monsieur et madame Tout-le-monde », illustre-t-il.

Le contact des peintures en aérosol traditionnelles avec la peau est également à minimiser, selon le chimiste. « Cela dégraisse la peau et fait pénétrer les ingrédients [de la peinture] », détaille-t-il, tout en mesurant ses propos en raison du faible nombre d’études portant sur les graffiteurs.

L’agent de recherche mentionne toutefois l’existence de matériel de prévention adéquat et encourage son utilisation. Il donne l’exemple des masques avec cartouche en deux parties, comme celui utilisé par MALICIOUZ. L’une contient du charbon actif, qui capte les composés organiques volatils, et l’autre, un filtre protégeant des particules plus solides.

Des bombes de peinture à base d’eau ont également fait leur apparition ces dernières années. Selon certains fabricants, elles seraient moins nocives pour la santé que leurs comparses traditionnelles. MALICIOUZ préfère toutefois les bombes de peinture classiques. « Il y a moins de choix de couleur dans celles à base d’eau », précise-t-elle.

Elle poursuit en expliquant qu’elles sont surtout utiles quand des personnes avoisinantes peuvent être incommodées puisque, contrairement à l’artiste, celles-ci ne sont pas protégées.

D’hier à aujourd’hui

Gabriel* a pratiqué le graffiti il y a plus de dix ans. « Nous, on ne portait pas de masque, se rappelle-t-il. On mettait juste un bandana et on se disait que c’était suffisant. C’était l’effet Peter Pan : “On va rester jeune toute notre vie !” »

S’il admet que cette attitude s’explique probablement en partie par son jeune âge, il pense tout de même que les mentalités ont changé. « La majorité des nouveaux graffiteurs ont des masques, des gants et font davantage attention à leur santé, dit-il. Je pense qu’aujourd’hui, les gens sont plus allumés. »

Lui qui a pratiqué le graffiti pendant plus de 20 ans a tout de même fini par se procurer de l’équipement de protection à la suite d’inconforts liés à l’utilisation de peinture en aérosol. S’il a aujourd’hui raccroché la canette, il demeure à l’affût des nouvelles œuvres qui apparaissent quotidiennement dans son quartier et ailleurs.

Exposition Matriarche de MALICIOUZ
26 mars au 29 avril | Vernissage le 28 mars de 17 h à 21 h
Espace Mushagalusa | 433, rue Ontarie Est
Entrée libre
 
10

 

* L’artiste n’a pas souhaité dévoiler son nom de famille.

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