Volume 25

L’étudiant à la maîtrise en sociologie Noé Klei, se spécialise

La drague d’un côté à l’autre de l’Atlantique

Le Québec

La professeure en Women’s Studies à l’Institut Simone de Beauvoir de l’Université Concordia Chantal Maillé constate que les femmes québécoises se sentent souvent obligées de faire le premier pas, compte tenu de la timidité des hommes. Selon elle, l’homme québécois serait moins expressif sur le plan des sentiments. « Contrairement à l’homme français, l’image de l’homme québécois, notamment dans sa représentation au cinéma, ne lit pas de poésie, ne parle pas beaucoup et n’a pas un grand imaginaire », avance-t-elle.

Elle ajoute qu’au Québec, l’idée que les femmes doivent être passives et les hommes actifs est un stéréotype obsolète en 2018. Chaque génération réinvente ses codes, et la tradition n’a pas une grande emprise, selon la professeure.

L’étudiant à la maîtrise en sociologie à l’UQAM Noé Klein, qui se spécialise dans les relations entre Français et Québécois, souligne l’existence d’une période de fréquentation non exclusive après le premier contact physique chez les Québécois. « Cette période est là pour que chacun fasse ses preuves et décide s’il veut une relation plus sérieuse avec l’autre, explique-t-il. Auquel cas, il faudrait explicitement que les deux individus se mettent d’accord pour être en couple. » Noé juge la séduction « à la québécoise » plus directe que celle « à la française ». Les Québécois vont se présenter frontalement et exposer leurs intentions avec transparence.

Mme Maillé soutient que cette différence culturelle est en partie attribuable à l’histoire des deux pays. Au xixe siècle, alors que les mouvements littéraires, artistiques et musicaux romantiques s’épanouissent en France, le Québec reste une société rurale et agricole aux préoccupations plus pragmatiques.

Selon elle, une explication possible serait le rapport distant des Québécois avec leur noyau familial. « Plus souvent qu’ailleurs, les familles d’où ils sont issus se sont brisées, ce qui inciterait à prendre davantage son temps en couple et à moins se marier, soutient-elle. L’idée de l’exclusivité ne va pas de soi, et seulement 30 % des couples au Québec seraient mariés contre 70 % en union libre. » Mme Maillé rappelle que la province est très diverse. Les normes ne sont pas les mêmes en fonction de la classe sociale, de la génération et de la culture de chacun.


La France

Noé cite le non-dit, l’ambiguïté, le jeu et la joute verbale comme moyens de séduction français. Intellectualiser, discourir sur la politique et entrer en désaccord feraient partie du jeu.

Il signale des normes traditionnelles fortement genrées : les femmes sont des objets de séduction et les hommes font le premier pas. « Beaucoup d’études ont montré que si une Québécoise faisait les premiers pas avec un Français, ce serait mal reçu, avance Noé. L’homme français le percevrait de manière agressive. »

Mme Maillé et Noé s’accordent pour dire que l’histoire de la France présente une plus grande rigidité dans les traditions et les valeurs. Cela dit, Noé pense que ces trois derniers mois, avec le mouvement de dénonciation de la violence à caractère sexuel sur les réseaux sociaux (#BalanceTonPorc), on assiste à un changement dans les moeurs.

La professeure souligne cependant le danger causé par le fait qu’il soit traditionnellement normal que la femme française refuse dans un premier temps les avances de l’homme pour se faire désirer et se montrer de bonnes moeurs. L’homme est ainsi censé insister. Comment, dans ces conditions, faire la différence avec un vrai refus ? « Il faut repenser la question du consentement, estime-t-elle. Cette notion n’est pas au coeur des préoccupations actuelles. »

Selon Mme Maillé, le féminisme en France est principalement théorique. « Il s’exprime surtout à travers les écrits de femmes comme Hélène Cixous ou Luce Irigaray, à l’inverse du Québec où le militantisme et la pratique sur le terrain sont beaucoup plus présents », détaille-t-elle.

Partager cet article