L’étudiante au certificat en rédaction et auteure Jolène Ruest a publié son premier roman en 2016. De la signature de son contrat avec la maison d’édition XYZ jusqu’à la publication de son roman, Jolène affirme avoir toujours joui d’une grande liberté. « Ils cherchent le produit le plus fini quand ils acceptent le manuscrit, avance-t-elle. S’ils n’aiment pas le roman à la base, ils ne vont pas signer de contrat avec l’auteur. »
D’après son expérience, les éditeurs proposent peu de modifications au texte. « Le travail de correction est moins intense qu’on pourrait le croire, assure Jolène. Je pensais qu’on allait me dire de retravailler une dizaine de pages, alors qu’en réalité, on me pointait une blague à la page 82 ! C’était minime et précis. » Au cours de l’écriture, elle a toutefois profité de la rétroaction d’un ancien éditeur devenu réviseur. Chaque mois, Jolène lui présentait un compte-rendu de son roman.
Le cas de l’auteure et stagiaire au Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises Audrée Wilhelmy est différent. Son premier roman, Oss, a été rédigé dans le cadre de son mémoire. C’est grâce à son directeur de maîtrise, Pascal Brissette, qu’elle est entrée en contact avec une éditrice chez Leméac. « Un seul paragraphe a dû être modifié, car le texte avait été tellement travaillé, déclare Audrée. C’est pour cette raison que Pascal est devenu mon éditeur par la suite. »
M. Brissette, qui est maintenant son conjoint, joue un rôle quotidien dans la rédaction de ses romans. « En général, avec un éditeur, on envoie un manuscrit achevé, mais cette façon de faire ne correspond pas à tout le monde », constate l’auteure. Elle aime échanger au fur et à mesure pour pouvoir ajuster le tir. « Certains auteurs diront qu’ils ont l’impression que travailler ainsi oriente leur œuvre, mais pas moi, car Pascal connait très bien mon univers. » Si à l’écriture de son premier roman, les versions qu’elle faisait lire à M. Brissette étaient à coup d’une page ou d’un paragraphe, elles le sont maintenant par chapitre.
Du côté de l’éditeur
Les éditeurs ont également leur propre façon de travailler. En plus d’Audrée, M. Brissette est éditeur pour d’autres auteurs. « Je suis plus à l’aise de suivre le travail littéraire lorsqu’il se fait de la première jusqu’à la dernière ligne, admet-il. Il m’est arrivé une fois d’accepter un manuscrit terminé. »
Il en est autrement pour l’éditeur de l’Écrou, Carl Bessette, qui préfère toucher le moins possible au texte de l’auteur. « Mon partenaire et moi choisissons les manuscrits les plus prêts à être publiés, révèle-t-il. Je trouve que les éditeurs jouent beaucoup dans les textes. »
Cette préférence s’explique en partie par le fait que l’Écrou publie des livres de poésie. « Nous protégeons les poètes en leur laissant une grande liberté, affirme M. Bessette. Contrairement aux romans, lorsqu’il y a modifications, c’est beaucoup plus visible dans un poème. » C’est pour cette raison que le travail sur le texte est réduit à sa plus simple expression. « Par exemple, on peut changer un poème de place dans un recueil, dit-il. Dans la phrase “ Dans ma cuisine, je regarde mon frigo ”, on suggère de remplacer “ mon ” par “ le ”. C’est minime. » Si l’auteur peut justifier chaque décision, M. Bessette ne fait pas d’objection. D’après lui, l’auteur est plus intelligent que l’éditeur. « La création se fait entre l’œuvre et l’auteur, tandis que l’éditeur est là pour servir, pas pour créer », soutient-il.
Susciter une réaction
Quant aux choix des manuscrits, M. Brissette et M. Bessette affirment qu’ils doivent avant tout être touchés par une œuvre pour accepter de l’éditer. « Il faut que je sente que je peux transformer le texte pour l’amener encore plus loin, confie M. Brissette. On m’a déjà soumis des manuscrits que j’ai refusés, mais qui ont été publiés par d’autres éditeurs. Je n’étais simplement pas le bon éditeur pour eux. » M. Bessette affirme de son côté qu’il doit ressentir le besoin d’écrire de l’auteur dès les premières pages du livre.