« Le but est d’étudier comment les musiciens se comportent à l’intérieur d’un orchestre, explique le professeur de composition électroacoustique Robert Normandeau. On peut maintenant les filmer et les enregistrer individuellement pour ensuite voir comment ils réagissent les uns par rapport aux autres. » Afin de réaliser cet objectif, deux studios-laboratoires, connectés directement à la salle Claude-Champagne, ont été aménagés à l’arrière de celle-ci. Parallèlement, plusieurs moteurs ont été installés au-dessus de la scène principale afin d’y placer des appareils d’enregistrement sonore et visuel.
« Les travaux à la salle sont pratiquement terminés », assure M. Normandeau. Il estime que les recherches pourront commencer dès le printemps. « On en est rendu à l’acquisition de différentes pièces d’équipement, qu’on doit ensuite tester au fur et à mesure qu’on les achète, avant de les installer. » Un projecteur laser, une sonorisation qui permet de faire des musiques immersives et un piano à queue disklavier sont quelques-unes des nouvelles technologies dont l’Université s’est dotée dans le cadre de ces travaux.
« Le projet permettra de pousser beaucoup plus loin certains travaux de recherches », affirme le diplômé du doctorat en interprétation à l’UdeM Felipe Verdugo. Il rappelle que certaines études nécessitent plus de moyens techniques pour produire un résultat.
Un partenariat pour un financement commun
En collaboration avec le Centre for Interdisciplinary Research in Music Media and Technology (CIRMMT) de l’Université McGill, le projet a été présenté à la Fondation canadienne pour l’innovation (FCI). « Au départ, nous avions l’intention de déposer des demandes [de subventions] distinctes, révèle la professeur à la Faculté de musique Caroline Traube. Nous avons ensuite décidé de joindre nos efforts. » Elle explique que les deux universités avaient des objectifs similaires et qu’une certaine complémentarité existait entre les deux projets. « La salle de McGill est plus une salle laboratoire, alors que la nôtre est véritablement une salle de concert. »
Des investissements de 11 millions de dollars ont été nécessaires pour les travaux. Deux millions iront à la salle Claude-Champagne, alors que le reste sera consacré à une salle de la Schulich School of Music à l’Université McGill. M. Normandeau se dit d’ailleurs bien content que les deux facultés de musique se soient unies dans un projet commun. « Un autre aspect important est que le gouvernement ait accepté de financer un projet de recherche en musique et qu’il soit admis comme étant de la recherche scientifique », confie-t-il.
Recherches interuniversitaires
Le partenariat entre les deux facultés de musique ne se limite pas seulement à la demande de fonds. « Dans le cadre du projet, on envisage d’établir des connexions à haute vitesse qui permettront une performance distribuée sur plusieurs sites, dévoile Mme Traube. L’objectif est d’avoir des musiciens sur deux sites qui pourront communiquer grâce à la technologie. » L’idée, selon elle, est d’abord de tester le système. La proximité physique des deux universités simplifie la tâche, à son avis. « On aura beaucoup de problèmes concrets à résoudre dans ces expérimentations », avoue-t-elle. Pour illustrer les difficultés à venir, elle donne l’exemple d’une connexion Skype, dont la qualité sonore et visuelle peut grandement varier, et qui n’est pas tout à fait stable. « Dans le contexte artistique, ces pertes de qualité seraient inacceptables », s’exclame-t-elle.
Le laboratoire de McGill, qui permet de faire de la simulation d’espaces sonores, est également complémentaire aux installations de l’UdeM. « L’idée est de faire une expérience dans un labo à plus petite échelle et ensuite de venir valider les résultats dans la salle Claude-Champagne », indique M. Normandeau. Il explique que les laboratoires sont plus faciles d’accès, mais que les musiciens n’y sont habituellement pas à l’aise, puisque leur environnement de recherche est plutôt la salle de concert.
L’étudiant au doctorat en musicologie à l’UdeM Viktor Lazarov compte utiliser le piano disklavier pour ses recherches. Il s’intéresse à la relation entre le timbre et le geste musical. « Avec un même piano, le résultat sonore sera différent en fonction des qualités et des défauts de chaque pianiste, résume-t-il. Mon hypothèse est que nous avons chacun une conception du timbre de son qu’on veut produire. »
Une équipe composée de dix chercheurs est affiliée au projet. Six proviennent de l’Université McGill, un est affilié à l’Institut polytechnique Rensselaer et les trois autres sont de l’UdeM. M. Normandeau est responsable du volet « Système de diffusion et de spatialisation du son », s’intéressant à l’aspect immersif de la musique, tandis que Mme Traube s’occupe de celui de l’analyse du geste musicien.