« J’arrive à la suite de la création du poste, en partie pour répondre aux besoins suscités par l’intérêt croissant des étudiants pour ces enjeux », déclare la professeure Joëlle Rouleau. Elle raconte que depuis son arrivée, les cours qu’elle chapeaute se sont remplis rapidement.
Mme Rouleau tente d’inclure une bonne représentativité de la diversité dans le corpus des cours, autant dans les films qui sont à l’étude que dans les auteurs à lire. « Je développe les cours en sortant des canons cinématographiques qui sont habituellement explorés, que ce soit en intégrant des films autochtones, des auteurs noirs, ou en se posant des questions LGBTQ2 », relate la professeure.
La grande absente du parcours
Les concepts de genre sont rarement abordés dans le parcours des étudiants en cinéma, à moins de suivre des cours spécifiques comme celui de Mme Rouleau, d’après l’étudiante à la maîtrise en études cinématographiques Véronique Labrecque. « La notion de genre n’avait pas vraiment sa place dans mes autres cours, dit-elle. Quand j’ai finalement abordé ces sujets dans le cours qui y était consacré, j’étais sous le choc de ne jamais avoir été en contact avec cette matière. »
Également étudiante à ce programme de maîtrise, Marie-Ève Ouellet partage cet avis. « C’est la première fois que j’ai accès à de la matière aussi pointue sur le sujet, affirme-t-elle. J’avais déjà eu un survol de quinze minutes sur la représentation de la femme dans [le film] Lolita, mais ce cours a ouvert mes horizons. Je n’avais jamais réalisé que les études féministes offraient un monde aussi vaste. »
Pour Loïc Mineau-Murray, lui aussi étudiant à la maîtrise en études cinématographiques, d’autres cours permettent d’aborder la place des femmes, comme ceux qui traitent les films expérimentaux. « La nature de l’expérimental permet d’explorer différents médiums de production, sans entrer dans la logique sexiste de l’industrie des films hollywoodiens, croit-il. Certains films expérimentaux peuvent être produits par une seule personne. » D’après son expérience, quand un professeur développe une sensibilité aux enjeux féministes, cela peut transparaître dans la matière enseignée.
Se poser les bonnes questions
Le contact avec les théories du genre entraîne une réflexion critique sur les films étudiés, selon Mme Rouleau. « Plusieurs ont acclamé le film Wonder Woman récemment, mais les échanges en classe permettent de constater que c’est plutôt du placement de produit capitaliste à saveur féministe », explique-t-elle. Les questions soulevées alimentent non seulement les réflexions d’ordre pédagogique, mais aussi les comportements au quotidien. « Un étudiant est venu me voir après un cours pour me demander si, comme homme, il prenait trop de place avec ses interventions, partage la chercheuse. Le simple fait de se remettre en question est un tournant à souligner. »
Véronique perçoit d’ailleurs un changement d’attitude et un intérêt croissant pour les enjeux féministes dans le domaine du cinéma. « On laisse plus de place aux femmes dans les travaux d’équipe, et des réalisatrices avec qui j’ai travaillé souhaitaient intégrer ces thèmes de près ou de loin dans leurs productions », raconte-t-elle. De son côté, Loïc constate que beaucoup d’étudiants incorporent la question des genres à leurs travaux dans ses séminaires de maîtrise.
Malgré ces éléments encourageants, Véronique et Marie-Ève s’accordent pour dire que les notions féministes et les théories du genre devraient être enseignées dès les premières années d’études. Bien qu’elles aient choisi ce champ d’expertise pour des raisons personnelles, elles espèrent que les futurs étudiants en cinéma auront un premier contact avec ces notions au début du baccalauréat.