Comme le hasard fait bien les choses, j’ai croisé ce professeur la fin de semaine dernière. Si je m’étais un plus écouté, je lui aurais demandé de m’expliquer ce que Sartre penserait de Local local.
Le cœur de la question
Dans son traité, le philosophe explique les fondements de l’existentialisme dans un discours assez clair. Résumé dans ses propres mots, « l’existence précède l’essence ».
Effectif depuis la rentrée d’automne, le changement de nom des services alimentaires de l’UdeM pour « Local local » est venu avec un changement de mentalité. Une nouvelle essence, en quelque sorte. Pour devenir cette nouvelle entité, les services de l’approvisionnement de l’Université auraient choisi de favoriser les fournisseurs bio et offrant des produits du Québec. Il est même question d’ajouter au menu des aromates et des champignons issus du campus pour parvenir à cette fin. On pourrait dire qu’en changeant le nom des services alimentaires pour « Local local », l’UdeM a réussi à définir leur essence. On comprend, en voyant la nouvelle image de marque, que le menu est constitué de produits du Québec et met de l’avant notre potentiel agroalimentaire.
Cependant, l’Université s’avère incapable de fournir un pourcentage précis de produits offerts provenant de fournisseurs locaux. On sait que la multinationale Gordon services alimentaires (GSA), dont le siège social est situé dans l’état du Michigan, approvisionne la majorité des denrées vendues sur le campus. Cette entreprise a, par ailleurs, une entente avec le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) pour mettre de l’avant des produits locaux auprès des organismes publics*. Le détail, par contre, n’exige aucun pourcentage précis d’aliments québécois dans l’offre du fournisseur. Si l’existence précède l’essence dans la lecture sartrienne de la situation, le nouveau nom dénote une assurance surprenante.
L’être et le devenir
Il existe certainement une proposition locale dans le menu de « Local local ». Leur équipe défend après tout que des champignons et des aromates cultivés sur le campus sont utilisés dans les recettes. On affirme aussi qu’une transition est en cours et que le nombre de produits conforme aux nouvelles directives, à la nouvelle essence des services alimentaires, devrait augmenter d’ici 2018.
Ainsi, serait-il illogique dans sa pensée de dire que, dans son essence, les services alimentaires de l’UdeM proposent une proportion significative de produits locaux, bio et équitables lorsque la transition vers cet état est en cours ? Avant de se définir comme étant « local local », ou d’affirmer son essence, Sartre aurait-il jugé plus sage que l’on puisse l’affirmer ?
Mais bon. Je pense que je n’ai pas compris toutes les nuances du propos de Sartre. Il faudrait que je prenne rendez-vous avec mon ancien professeur pour casser la croûte à la Grande Cuisine et qu’on discute de la question.
*Stratégie de positionnement des aliments sur le marché institutionnel, MAPAQ, décembre 2013.