Volume 25

Les manuels numériques prennent de l’importance dans les universités canadiennes, quoique moins au Québec. (crédit photo : Jèsybèle Cyr)

Faire de la place au numérique

Le gouvernement ontarien a pris les devants pour permettre à des professeurs de collèges et d’universités d’être rémunérés pour créer des manuels numériques destinés aux étudiants. Les manuels sont offerts gratuitement sur la plateforme eCampusOntario. Depuis le prélancement en mai dernier, quelque 2 700 étudiants ont pu économiser un total de 307 000 $*.

Le professeur titulaire au Département de didactique et directeur du Laboratoire de robotique pédagogique de l’UdeM, Pierre Nonnon, conçoit des manuels numériques pour les systèmes d’expérimentation assistés par ordinateur en ligne, qui sont mis à la disposition des étudiants. « C’est assez rapide et ça ne me coûte presque rien de le faire, assure-t-il. On pourrait étendre cela à d’autres domaines d’études facilement. »

M. Nonnon travaille beaucoup sur la formation des professeurs de sciences et technologies. Il a assisté à plusieurs réunions du ministère de l’Éducation, il y a une dizaine d’années, où le sujet des manuels scolaires était à l’ordre du jour. « Nous avions proposé que les étudiants aient des manuels sur ordinateur, puisque les professeurs n’utilisent souvent qu’une partie du manuel, explique-t-il. Les gens qui représentaient les éditeurs des manuels disaient que c’était leur seule source de revenus, et que s’ils n’avaient plus ces revenus, ils ne seraient plus capables de publier en français. » Même si les manuels papier ne représentent pas l’avenir, c’est avant tout une décision politique, selon lui.

D’autres options pour les étudiants

L’étudiant au baccalauréat en droit Oussama Louati estime que les livres coûtent parfois trop cher aux étudiants, qui se tournent alors vers d’autres options. « Certains professeurs nous demandent d’acheter des livres et parfois ça tourne autour de cent dollars, insiste-t-il. Dans ce cas, soit je vais les acheter usagés, soit je vais les prendre si je les trouve en ligne. »

L’achat de livres de seconde main reste pour Oussama une bonne solution afin d’éviter de payer le plein prix pour certains manuels. « Je suis sur un groupe Facebook où les gens vendent et achètent leurs livres, détaille-t-il. Pour un livre à 100 $ à l’origine, on peut l’avoir entre 50 $ et 70 $, dépendamment de son état. »

L’étudiant reconnaît même qu’il lui arrive de ne pas acheter certains livres et qu’il est de temps à autre obligé de faire des compromis. « Parfois, ce sont de vieilles versions de manuels que je trouve en ligne, ce ne sont pas les plus à jour, admet-il. Je vais quand même prendre cette version plutôt que d’acheter la dernière, qui coûte plus cher. » Oussama insiste sur le fait qu’acheter tous les livres pour chaque cours représenterait un gros investissement pour lui.

Qui prend les décisions ?

D’après l’étudiante au baccalauréat en psychoéducation Sarah Bélanger, l’utilisation de contenu en ligne est principalement le choix du professeur. « Avant, les professeurs nous demandaient beaucoup d’acheter les livres, rappelle-t-elle. Maintenant, de plus en plus, ils mettent des articles en ligne et nous donnent l’option de les imprimer ou non, même pour des manuels. »

Pour M. Nonnon, la volonté d’améliorer l’offre en manuels numériques devrait venir du gouvernement québécois. « Je pense qu’il devrait y avoir une volonté politique du gouvernement pour dire “stop”, on ne peut plus dépenser autant d’argent », exprime-t-il.

Laisser le choix

« J’ai acheté un livre pour un cours et il y a un code à l’intérieur qui permet d’y avoir accès en ligne, raconte Sarah. Moi, je ne l’utilise pas, mais je pourrais simplement donner le code à un autre étudiant qui souhaite seulement avoir accès à la version numérique. » L’étudiante explique que ce type de manuel se voit de plus en plus.

Sarah note que les étudiants ont leurs préférences en matière d’apprentissage. « Personnellement, je suis très visuelle, confie-t-elle. Je ne suis pas non plus dans la cohorte qui a appris sur les tablettes tactiles. J’apprends mieux quand je sens que je peux manipuler ou surligner le manuel. » Elle soutient que les étudiants devraient continuer à avoir le choix entre les deux méthodes.

Selon l’étudiante en psychoéducation, certains programmes se prêtent mieux à l’utilisation de matériel numérique. « Au cégep, j’étais en administration, et on était plus axé sur les nouvelles technologies, décrit-elle. J’ai eu des cours qui étaient donnés de façon interactive, où le professeur donnait son cours uniquement sur des plateformes numériques, et ça allait très bien. » Cette pratique a un réel potentiel selon Sarah, mais exige un savoir-faire des professeurs, qu’elle juge souvent trop peu pédagogues, principalement dans les domaines scientifiques. L’étudiante estime que des formations devraient leur être données, attendu que la transition vers le numérique lui semble inévitable.

* Chiffres officiels d’eCampusOntario, en date du 3 octobre 2017.

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