Soyons clairs : la nouvelle politique d’investissement dite « responsable » de l’UdeM pour son Fonds de dotation ne changera rien en ce qui concerne ses placements dans les énergies fossiles, le charbon, le pétrole et le gaz. Le vice-recteur aux finances et aux infrastructures de l’UdeM, Éric Filteau, rappelle que la part des hydrocarbures dans le portefeuille des actions est faible, puisqu’elle ne représente, environ, que 4 %. Soit quelque 13 millions sur ses 303,1 millions de dollars d’actifs. Est-ce beaucoup ou pas beaucoup ? En fait, la question n’est pas là.
Un mouvement mondial
Démarré en 2008 sur le campus du Swarthmore College de Philadelphie, le mouvement « Divest » en anglais — ou sa traduction « désinvestissement » — revendique auprès des institutions le gel immédiat de tous les nouveaux investissements dans les combustibles fossiles, ainsi que le désinvestissement total dans ce secteur sur cinq années.
Depuis, le mouvement a pris de l’ampleur. Les campus de Yale, Harvard, Glasgow, Oxford ont suivi. Selon le Times Higher Education, le quart des universités du Royaume-Uni s’est engagé dans cette voie, dans la lignée de la campagne « Keep it to the ground » — « Gardons-le dans le sol » — lancée par le groupe britannique The Guardian, qui édite le quotidien du même nom. Les Universités ne sont pas les seules à s’engager et selon l’organisation DivestInvest, l’ampleur du désinvestissement mondial a doublé au cours des 15 derniers mois. Leur rapport, daté du 12 décembre 2016, indique que l’actif des investisseurs institutionnels et individuels qui veulent désinvestir se situe à plus de 5 000 milliards de dollars américains.
Étudiants montréalais engagés
Après un référendum mené entre le 15 et le 17 novembre dernier, l’association Divest Concordia a reçu le feu vert des étudiants pour pousser leur université à sortir totalement des combustibles fossiles. Si l’Université Concordia s’est engagée, dans un projet pilote, à investir 5 % des 100 millions de dollars de son fonds de dotation dans le développement durable, près de 10 millions sont toujours investis dans les énergies fossiles.
Toutefois, elle reste la seule au Québec à se désinvestir partiellement des combustibles fossiles. À Mc Gill, le 1er avril dernier, une trentaine d’anciens étudiants a rendu leur diplôme, pour marquer leur distance avec une université qui ne s’engage pas dans le désinvestissement. Selon leur chiffre, l’Université McGill détient environ 70 millions de dollars d’investissements dans les combustibles fossiles, soit environ 5 % de son fonds de dotation d’une valeur de 1,3 milliard de dollars. Étrangement, aucun groupe similaire n’existe à l’UQAM.
Sur notre campus
En comparaison donc, l’UdeM n’investit pas plus que les autres. Mais, encore une fois, là n’est pas la question. « Si l’UdeM continue à investir dans les énergies fossiles, elle adopte une des deux positions suivantes : soit elle renie la science climatique, soit elle parie sur la destruction de la planète. Les deux positions sont intenables pour une université », a lancé un intervenant lors de la table ronde « L’investissement au service de la transition énergétique ? », organisée par le groupe Désinvestissons UdeM, le 24 novembre dernier. Finalement, là est la question. Compte tenu des émissions de gaz à effet de serre produits par les énergies fossiles, quelle position doit prendre l’UdeM par rapport au réchauffement climatique ?
En choisissant de désinvestir, l’UdeM pourrait devenir un chef de file du Québec. « Comme institution, il faut que nous ayons des placements responsables qui soient aussi profitables », a affirmé le recteur de l’UdeM, Guy Breton à Quartier Libre en mars dernier*. Avec cette phrase tout est dit. Pourtant, depuis, rien n’a vraiment changé, malgré l’adoption d’une nouvelle politique. Finalement, les investissements semblent être toujours plus profitables que responsables.
* Quartier Libre, vol.23, N°14, « Vers des placements responsables »