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Illustration : Alexandre Paul Samak

La langue bute toujours sur la dent qui fait mal

 

Plus de 50000 étudiants chinois s’assoiront sur les bancs des universités canadiennes
cette année. À l’Université de Montréal, 160 étudiants chinois ont déposé
leur candidature cet automne. Ce nombre ne cesse d’augmenter, mais les défis de
l’acceptation et de l’intégration sont un obstacle majeur pour ces nouveaux arrivants.

Qiyun, étudiant à Polytechnique, prépare
du thé Oolong tout en racontant
son histoire : «Je suis un immigrant
dans un niveau d’emploi technique, c’est le
gouvernement qui m’a sollicité. J’aimerais
travailler pour des compagnies chinoises.»
Qiyun semble gêné de donner un avis tranchant
sur la société québécoise. Pour
répondre à mes questions, il préfère me faire
rencontrer son amie chinoise Zhang Li. Elle
vient d’arriver au Canada et travaille sur l’intégration
des immigrants chinois au Canada :
«Je cherche à savoir quelle est l’aide apportée
aux Chinois à leur arrivée au Canada,
mais tu sais, me dit-elle devant Qiyun, ce n’est
vraiment pas simple d’interroger les
Chinois, car ils ne veulent pas parler, ils ont
peur ou bien ils sont timides.» Qiyun se met
à rire et à converser en mandarin, «il faudra
que Zhang Li me paye pour que je réponde
à ses questions».

Illustration : Alexandre Paul Samak

Zhang Li commence sa thèse et veut relater les
chocs culturels que les Chinois ont vécus en
arrivant au Canada. Qiyun raconte l’anecdote
de deux représentants d’associations étudiantes
qui avaient fait le tour de la classe torse nu le
jour de la rentrée scolaire : «Je n’ai pas compris
pourquoi ils avaient fait cela. J’ai été
choqué et j’ai trouvé ça vraiment étrange.»

Monsieur Yu, professeur de chinois à
l’Université de Montréal, est au Canada depuis
26 ans : «Je me souviens au début il y a des
gestes qui me choquaient, comme les profs
qui s’assoient sur les bureaux pour donner
leur cours, ou bien lorsque j’allais au restaurant
je payais la note à tout le monde,
parce qu’en Chine quand on invite on paye,
mais ici, personne ne me rendait la pareille.
Maintenant, je suis occidentalisé.»

L’obstacle de la langue

Si la plupart des étudiants chinois ont déjà suivi
des cours de français en Chine, une des plus
grandes difficultés qu’ils ont à surmonter en
arrivant est la langue. «J’ai plus d’amis chinois
que québécois : C’est difficile de créer des
liens quand ton français n’est pas bon »,
affirme Jia Guo, qui trouve que l’intégration
dans un pays passe avant tout par la maîtrise de
la langue. Pour Yun, ingénieure en chimie, le
français a été une étape difficile à franchir. Yun
n’est pas venue en tant qu’étudiante au Canada,
mais elle souhaite le devenir : «Je ne peux pas
encore étudier à l’université parce que je
n’ai pas assez de points pour réussir le TFI,
le Test de français international. »
Aujourd’hui au Canada, elle travaille dans une
usine : «Au départ, je pense que les préjugés
portés à mon égard venaient surtout du fait
que je ne parlais pas bien le français.» Yun
n’a pas retrouvé l’équivalent de son travail ici
mais elle m’explique qu’en Chine, changer
d’orientation professionnelle n’est pas vraiment
possible à cause de la concurrence : « Le
Canada, c’est un pays qui va me permettre
de changer de carrière.»

Les étudiants chinois au Canada recherchent
avant tout une expérience professionnelle pour
pouvoir travailler en partenariat avec la Chine.
Si des Chinois veulent repartir dans leur pays par
la suite, certains comme Qiyun comptent bien
s’installer au Canada pour des raisons plus personnelles:
«Je veux rester au Canada pour y
faire ma vie, je veux surtout trouver l’amour
ici ; en Chine, les Chinoises ne veulent se
marier qu’avec des hommes riches.» Les étudiants
chinois qui viennent à l’Université de
Montréal ne sont généralement pas en échange,
mais suivent un diplôme au complet comme
une maîtrise ou un doctorat, selon la directrice
du recrutement étudiant, Michèle Glémaud :
« La tendance s’accentue, de plus en plus
d’étudiants chinois s’installent au Québec
après leurs études, parce qu’ils tombent en
amour avec le Québec ou bien amoureux
d’un résident du pays.» Pour Monsieur Yu,
après 26 ans passés au Canada, il est impensable
de repartir en Chine: «Au Canada, il y a plus
de liberté, moins de pollution, plus d’espace
et la vie est plus agréable.»

Pour aider les étudiants chinois à mieux s’intégrer,
Anghelos Coulon a repris la barre des
échanges linguistiques de l’Université de
Montréal, organisés par le CETASE, Centre
d’études de l’Asie de l’Est : «Les échanges linguistiques
sont un lieu de rencontre, j’organise
des jeux de mimes, de tabou, c’est avant
tout un lieu pour échanger et se faire des
amis. Souvent, après les échanges on sort
dans des bars ou on fait des activités tous
ensemble.» Ces contacts, les Chinois les cherchent,
car ils sont souvent envahis par un sentiment
de solitude à leur arrivée au Canada,
m’explique Tian Ye, étudiante en administration
de l’éducation à l’Université de Montréal, pour
qui l’adaptation ne s’est pas faite si facilement :
«Les vols de Chine n’arrivent à Montréal que
très tard pendant la nuit. J’ai eu la chance
d’avoir une responsable de l’Université pour
m’accueillir à l’aéroport et me conduire aux
résidences, mais j’ai beaucoup d’amis chinois
qui ont eu des problèmes pour se rendre
à l’Université.» Tian Ye a participé aux rencontres
pour les étudiants internationaux qui
lui ont permis de mieux s’intégrer. «Mais la vie
est vraiment différente de celle qu’on a en
Chine», constate-t-elle.


Le CÉTASE organise des échanges linguistiques
avec les étudiants chinois,
veuillez consultez le site Internet:
www.cetase.umontreal.ca

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