Quartier Libre : Peux-tu nous résumer en quoi consiste ta recherche ?
Geneviève Cloutier : Elle vise à développer une meilleure compréhension des agressions fondées sur le sexe et le genre dans l’industrie de la construction. J’ai pris conscience que les hommes, tout comme les femmes, vivent différentes formes d’agressions dans ce secteur. Dans le cadre de ma thèse, les agressions sont définies comme toutes formes d’incivilités, de sexisme, de colère, d’hostilités et d’actes violents. Je cherche donc à savoir si l’identité professionnelle [NDLR : la manière dont les travailleurs s’identifient à leur métier] peut mener à des comportements agressifs dans leur milieu de travail.
QL : Depuis combien de temps t’intéresses-tu à cette problématique ?
G. C. : Cela fait longtemps que je m’intéresse à la santé et à la sécurité au travail. J’ai eu à côtoyer beaucoup de personnes qui avaient un métier spécialisé dans la construction et il s’agit d’un groupe avec qui j’aime beaucoup travailler. Au Québec, on retrouve à peine 1,5 % de femmes dans le secteur de la construction et 60 % d’entre elles quitteront le domaine après cinq ans. C’était donc une problématique qui me tenait à cœur.
QL : Quelles sont les difficultés auxquelles les femmes sont confrontées sur les chantiers de construction qui peuvent justement provoquer leur départ ?
G. C. : Les femmes peuvent être confrontées à du sexisme et à différentes formes d’hostilités. Elles se font souvent dénigrer puisque c’est une culture qui est plus machiste. Étant minoritaires, les femmes sont plus vulnérables et puisqu’elles sont isolées, elles sont plus susceptibles de vivre plusieurs formes de harcèlement. Actuellement, le gouvernement met beaucoup d’efforts pour intégrer les femmes au sein de l’industrie, mais les taux de roulement demeurent très élevés. En ayant une meilleure compréhension des causes des agressions fondées sur le sexe et sur le genre, on pourra déterminer de meilleures pistes d’interventions afin de changer le milieu.
QL : Penses-tu que la situation peut changer ?
G. C. : C’est un des derniers milieux où il n’y a presque pas de femmes. On est en 2016, je crois que c’est une question de temps pour que ça change. Faire une recherche comme la mienne pour améliorer les milieux de travail et aider à mieux intégrer les femmes, ça va avec la logique des choses. J’espère que dans 10 ans, on retrouvera beaucoup plus de femmes sur les chantiers de construction.
QL : Quels sont les défis auxquels tu as dû faire face durant ta recherche ?
G. C. : Je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi difficile sur le terrain. Il s’agit d’une industrie dans laquelle il y a très peu de recherches. Les gens ne sont pas habitués à se faire solliciter et la collecte de données n’est pas évidente puisqu’il s’agit d’une population qui n’est pas facile à atteindre. Dans les chantiers, je n’ai même pas encore réussi à rencontrer une femme après un an sur le terrain, et je n’ai que le tiers des répondants dont j’ai besoin. Un autre grand défi est d’avoir accès aux chantiers puisqu’il s’agit d’une industrie qui est vraiment à part. Depuis un an, j’essaie d’avoir accès à un autre grand chantier dans le Nord-du-Québec mais ce n’est pas encore gagné.