«Il est difficile d’ignorer l’existence de la “culture du viol” qui ressort à travers les médias et les universités, lance Shaheen Shariff. C’est évident que nous devons répondre à un problème de violence sexuelle dans ces divers contextes, et pour cela, ce projet compte de multiples phases et de nombreux partenaires dans les domaines de l’art, de la culture populaire, des médias, et de la législation. » Pour étudier cette problématique, ce sont 10 universités canadiennes et internationales, 14 partenaires communautaires, 24 universitaires et 13 collaborateurs qui uniront leurs expertises.
« C’est un sujet qui fait polémique, car beaucoup de gens pensent que parler de la “culture du viol” va aggraver la situation, affirme-t-elle. Or les blagues sexistes, les propos misogynes et l’objectivation des femmes, tout cela semble normal alors que ça ne l’est pas et que cela rentre dans ce qu’on appelle la “culture du viol”». La professeure s’est intéressée à la manière dont les universités traitent les agressions sexuelles et a remarqué qu’il n’y avait que peu de sensibilisation et d’information auprès des étudiants. Directrice du programme Définir la frontière de McGill sur la cyberintimidation et le sextage [NDLR : message texte au contenu osé souvent accompagné d’une photo], elle a perçu un besoin de répondre au problème de la « culture du viol » sur les campus, après sa recherche sur la violence en ligne vécue par les jeunes entre 9 et 30 ans*.
Agir dans les universités
Selon l’assistante de recherche principale du projet, Chloe Garcia, la réaction des universités dans les dernières années a été de créer des politiques rapidement, comme solution symbolique et temporaire, au lieu d’éduquer les étudiants, les membres des facultés et la communauté. Mme Garcia et Mme Shariff estiment que c’est donc dans les universités qu’il faudrait commencer à agir, celles-ci devant reprendre leur rôle d’éducateurs. « Le but est de faire prendre conscience aux étudiants des comportements à adopter, en travaillant avec les partenaires de notre organisation », soutient la professeure.
Le projet de recherche s’étendra sur sept années, durant lesquelles un grand nombre de partenaires seront invités à déterminer si la « culture du viol » existe, et comment celle-ci se perpétue, à travers des thèses doctorales, des conférences, des expositions d’art ou encore des stratégies médiatiques, avec HEC Pôle Medias par exemple. « Chacun d’entre nous possède des responsabilités et des objectifs à atteindre, explique Mme Garcia. À la fin du projet, on compte développer des modèles de pratique et de politiques éclairés, rendus possibles grâce aux preuves recueillies lors notre recherche, grâce à nos partenaires et grâce aux étudiants. » À terme, l’étude vise à faire dialoguer davantage les universités et les étudiants avec les secteurs artistique et médiatique pour informer et sensibiliser durablement la population.
« Il y a de l’espoir », conclut toutefois Mme Shariff, qui conduira sa recherche jusqu’en 2023. Selon elle, son travail n’est pas différent de celui qui a été fait dans le cas de l’homophobie, et pour lequel il a fallu plusieurs générations ainsi qu’un gros travail de communication avant de voir des changements significatifs. « Aujourd’hui, la communauté LGBT fait partie intégrante de la société », estime-t-elle. Mme Shariff tentera d’apporter des solutions dans sa recherche pour répondre aux problématiques autour de la « culture du viol ».
*Sexting and Cyberbullying : Defining the Line for Digitally Empowered Kids, livre publié en 2014