« Les gens sont de plus en plus cyniques vis-à-vis de la politique », note Alexandra. Il y a bien sûr les facteurs connus : la multiplication des affaires judiciaires ou la déception devant la politique en générale. Mais pour la doctorante, le cynisme de personnages fictionnels comme Frank Underwood influence aussi les citoyens. « Je réalise une étude afin de savoir quel degré de réalisme les spectateurs perçoivent dans une fiction comme House of Cards », explique-t-elle. Beaucoup d’enseignants du département de sciences politique de l’UdeM qualifient la série de « mauvaise caricature », mais pour la doctorante, ces professeurs oublient que la fiction vulgarise nécessairement, et s’adonnent à ce que certains appellent le hate watching — le plaisir de regarder pour critiquer. Selon les premiers résultats de l’étude d’Alexandra, il semble que la majorité des spectateurs perçoivent un degré important de réalisme chez les personnages et évènements de House of Cards et pensent que beaucoup de politiciens ressemblent à Frank Underwood.
Mais une différence subsiste entre le personnage fictionnel et les personnalités politiques réelles : alors que la popularité de ces derniers ne fait que baisser, Frank Underwood est un personnage apprécié, jusqu’à être plus populaire que Barack Obama selon un récent sondage. « Frank est très sympathique et surtout très humain », explique Alexandra. Malgré toutes ses manigances, il ne cache rien au spectateur. Ainsi, étant toujours dans la confidence, le spectateur n’est jamais victime des machinations, mais y participe implicitement.
Frank et moi
« Quand on regarde la première saison, on voit que Frank était une victime qui souhaite se venger », observe Alexandra. Ainsi, il agit selon ses émotions, ce qui fait que le spectateur s’identifie à lui et est de son côté. « Frank Underwood est un exemple de succès et nous encourage à aller de l’avant », poursuit la doctorante. Elle rappelle qu’on a tous une envie de puissance, de pouvoir. « Lorsqu’au travail, par exemple, on est face à des supérieurs très stricts, on aimerait comme Frank pouvoir s’imposer et impressionner », affirme-t-elle.
Avec Frank Underwood, tout est possible pour avoir ce pouvoir. « On est tous un peu égoïste, précise Alexandra. Même si parfois on aimerait s’affranchir des règles, on sait bien que c’est impossible ». Si Frank s’affranchi sans vergogne de toute règle, jusqu’à commettre le pire, cela ne signifie pas que le spectateur va l’imiter ou même approuver.
Les premiers résultats de l’étude d’Alexandra sont formels : l’image de la politique donnée dans House of Cards est très négative. « Il y a quelques années, la série politique la plus populaire était West Wing, précise la doctorante. Aujourd’hui, c’est devenu un cliché ». Les téléspectateurs s’attendent à du cynisme quand il s’agit de politique et House of Cards les conforte dans cette opinion. Comme le rappelle Alexandra, difficile aujourd’hui de voir un homme politique et de le croire à l’abri de tout soupçon. Tous sont comme Frank Underwood, présumés coupables.