Culture

Le public a pu consulter les partitions créées par des étudiants du CéCO après le concert. Crédit Photo : Charles-Olivier Bourque

Des partitions sans notes

Dans la partition graphique, plus question de blanches, de noires ou de doubles croches, le compositeur emploie le langage de son choix pour décrire la composition qu’il a en tête. « On parle de systèmes, à peu près aussi variés que les compositeurs qui les emploient, affirme le musicologue et enseignant de littérature musicale au Cégep de Sainte-Foy Benjamin René. Par des dessins, des graphiques ou d’autres moyens, on vise à transmettre des notions qu’on ne saurait transcrire par la notation conventionnelle, par exemple, l’introduction de bruits à des moments précis ou encore une structure d’intensité sans mélodie propre. »

En ce sens, la partition graphique a davantage vocation à guider une improvisation qu’à permettre la reproduction d’une pièce composée. Avec ce système, les compositeurs peuvent explorer de nouvelles façons de créer leurs morceaux. « Les pièces seront toujours différentes selon les interprètes avec qui on les travaille, explique le président du CéCO et étudiant au baccalauréat en composition instrumentale Maxime Daigneault. En tant que compositeur, on évolue en cocréation, parce que le son qui ressortira ne dépendra pas de la manière qu’a l’ensemble de lire les indications, mais de la manière qu’il a de les déchiffrer. »

Cette relation inhabituelle permet aux musiciens de choisir leur rôle dans la musique. « Cela se joue beaucoup grâce à l’écoute, affirme l’étudiant au doctorat en composition musicale et bassiste Philippe Béland. On a une liberté qu’on ne retrouve pas en jouant sur une pièce de compositeur, parce que les sons que l’on produit sont déterminés uniquement par notre interprétation collective des symboles sur le papier. On ne peut pas jouer pour soi-même en suivant sa partition. »

Une technique en marge

Ce procédé, intéressant pour compositeurs et musiciens, reste toutefois en dehors des circuits académiques et populaires. Une mise à l’écart que l’étudiant à la maîtrise en composition Jean-François Primeau trouve à la fois dommage et compréhensible. « La partition graphique repose sur le fait d’explorer différents sons et, en ce sens, la musique qui en résulte est souvent très inégale et peut avoir de la difficulté à trouver son public », explique-t-il, lui qui a composé une œuvre en utilisant des numéros de téléphone.

Le salut de cette forme de notation pourrait passer par la musique numérique, où l’on constate une ouverture grandissante à l’égard de cette technique. En effet, dans ce milieu, l’hégémonie de la partition classique n’opère pas, car les technologies utilisées la rendent obsolète. « La notation graphique s’impose souvent en musique numérique, car c’est difficile de représenter ses idées autrement pour des compositions mélangeant l’acoustique et l’électronique, affirme l’étudiant au baccalauréat en musique numérique François Lagacé, composant sous le pseudonyme de Kathrin. Les musiciens ont envie de se libérer des contraintes, et ce genre de notation l’autorise, tout en permettant à ceux qui ne savent pas écrire la musique de s’exprimer quand même. »

Les partitions graphiques peuvent se retrouver dans de nombreuses manières d’écrire les mélodies, sans que ces méthodes soient considérées comme telles. « Dans la musique populaire, par exemple, les transcriptions sont aujourd’hui créées après coup et souvent avec des notations non classiques, pour permettre à des amateurs de jouer leur propre version édulcorée », souligne M. René. La partition graphique comme nouvelle manne des compositeurs ? Le musicologue refuse de franchir ce pas.

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