En entrant dans la salle d’exposition, l’immense photographie mettant en scène un accouchement attire le regard. « J’ai voulu montrer comment la fragilité était prise en compte en médecine, discipline souvent associée à un domaine un peu brutal », explique l’auteure de cette œuvre et artiste montréalaise Arkadi Lavoie Lachapelle.
L’exposition est une rencontre entre science et création qui a pour but d’interpeller un public plus large que celui composé d’initiés. Et quoi de mieux, selon les trois étudiants en bioéthique et organisateurs, Jean-Christophe Bélisle-Pipon, Vincent Couture et Maude Laliberté, que l’art pour susciter des réactions. « On voulait sensibiliser, choquer, faire réagir et surtout faire réfléchir les gens sur différentes thématiques », indique Jean-Christophe.
Les thèmes abordés sont tantôt vastes, comme la relation qu’entretient la société avec l’animal ou l’inclusion sociale des personnes atteintes de handicaps, tantôt spécifiques, comme l’éthique de la nanomédecine [NDLR : domaine couvrant l’administration de fines particules comme médicaments] ou les enjeux entourant le soin du syndrome de Stein-Leventhal, qui affecte l’ovulation et provoque des kystes.
Une perspective artistique
La doctorante en première année en bioéthique à l’UdeM et membre du projet Victoria Doudenkova pense que l’art permet de remettre la bioéthique à sa place légitime, soit au cœur de la société. « La bioéthique est un domaine qui touche des cordes sensibles chez les gens, explique-t-elle. Elle appartient à tout le monde, pas seulement à la science. L’art permet justement d’aller chercher ces aspects sensibles que les articles scientifiques ne peuvent pas exprimer ».
Une sensibilité artistique qui se reflète également dans les essais des chercheurs qui accompagnent les œuvres. « Quand on écrit des articles scientifiques, on répond à des questions précises, c’est assez formel, commente le doctorant au Univerisity College London et participant à l’exposition, Jean-Frédéric Ménard. Alors que l’art, c’est un espace de liberté ». Ces articles permettent aux chercheurs d’expliquer à la fois le choix de leur thématique, mais également leur rencontre avec les artistes. Et pour ce faire, certains se sont prêtés au jeu en laissant s’exprimer leur côté artistique et personnel dans leurs écrits. Des essais qui font donc partie intégrante de l’œuvre.
Cette vision, les étudiants chercheurs auront l’occasion de l’expliquer lors de quatre conférences organisées à Espace Projet durant le mois de mars. « C’est un moment unique pour les artistes et les chercheurs, précise Jean-Christophe. Ça leur permet à la fois de contextualiser leur rencontre et l’œuvre qui en résulte, mais également de proposer une piste de réflexion au public. » Pendant une heure, les binômes parleront de leur rencontre, de leurs échanges et le cheminement jusqu’à l’œuvre finale. Un débat avec le public sera proposé dans l’optique de démythifier la bioéthique et de permettre une meilleure compréhension de ses enjeux.
Les essais seront également publiés dans le magazine BioéthiqueOnline, une revue numérique que préside le directeur du programme en bioéthique à l’UdeM, Bryn Williams-Jones. « L’objectif est de monter un numéro spécial qui regroupe les pièces d’art et les essais, explique-t-il. On veut publier le tout ensemble pour démontrer cette façon innovante de réfléchir à la bioéthique ». Un projet qu’il définit comme un jumelage parfait entre une perspective artistique et un concept d’apprentissage.
Art + Bioéthique
Jusqu’au 20 mars | Espace Projet | 353, rue Villeray
Conférences | 11, 17 et 18 mars à 19 heures