Volume 23

Illustration de Melen Joly

Lecture nerveuse

« Ce que nos résultats démontrent, c’est que les consommateurs de livres de croissance personnelle sont plus déprimés, ont des symptômes dépressifs plus élevés ou sont plus stressés physiologiquement que les non-consommateurs de livres d’empowerment [NDLR: Livres d’émancipation personnelle] », dévoile Catherine Raymond.

Pour mener cette étude, l’équipe du Centre d’études sur le stress humain a sélectionné 30 participants, dont 15 étaient adeptes de lectures de croissance personnelle. Il s’agissait, au départ, d’observer des différences entre les deux groupes quant à leur personnalité et à leur estime de soi. Toutefois, les résultats n’ont pas démontré de différences notoires de ce côté, mais tendent à prouver que le type de livres joue un rôle sur l’état émotionnel des participants, selon Mme Raymond. « On ne sait pas si ces gens sont déjà stressés ou déprimés et vont aller consommer des livres de croissance personnelle, ou si les livres vont les rendre comme cela », précise-t-elle.

Penchez-vous sur des livres qui ont été validés, qui ont été écrits par des gens ayant des compétences dans ce domaine. Un livre ne remplace pas un soutien thérapeutique ou un suivi médical. » Catherine Raymond Étudiante au doctorat en sciences neurologiques à l’UdeM

Si l’effet ne semble pas tout à fait celui voulu de prime abord, certains étudiants retirent de ces lectures des effets positifs. La diplômée au baccalauréat en administration des affaires à HEC Slénie-Marie Toussaint se dit adepte de ces livres. « Leur lecture amène à se développer en tant que personne et aide à s’améliorer dans tous les aspects de sa vie, explique-t-elle. Tous les livres que je lis sont intéressants et différents, ils ont toujours quelque chose qui marque à travers la lecture, même dans la manière de penser, ça apporte un changement. »

Vérifier la crédibilité

Dans leur étude, les chercheurs ont choisi de mesurer des livres de vente à gros volume écrits par des auteurs qui n’ont pas de formation dans le domaine de la santé et non des livres validés scientifiquement, rapporte par ailleurs Catherine Raymond. Selon elle, les résultats de cette étude ne signifient donc pas qu’il faille bannir les livres de croissance personnelle, mais il est important de bien les sélectionner. « Il faut privilégier des livres qui ont été écrits par des professionnels de la santé : des médecins spécialisés, des chercheurs scientifiques, des professeurs universitaires, voire des pharmaciens. Penchez-vous sur des livres qui ont été validés, qui ont été écrits par des gens ayant des compétences dans ce domaine, explique-t-elle. Un livre ne remplace pas un soutien thérapeutique ou un suivi médical. »

Pour l’étudiante au baccalauréat en nutrition à l’UdeM Marie-Pierre Léger, ces livres peuvent aider à l’introspection et donner des outils pour une meilleure métacognition, c’est-à-dire réfléchir sur ses propres pensées. « Mais il faut effectivement vérifier la source, l’auteur, la maison d’édition, voir si c’est crédible », nuance-t-elle.

L’étudiant au baccalauréat en littératures de langue française et linguistique à l’UdeM Simon Dansereau-Laberge admet quant à lui rester très méfiant vis-à-vis de ces lectures. « Ce n’est pas approuvé par quoi que ce soit d’académique, j’ai une grande réticence au regard de la probité », indique-t-il.

Il reste encore difficile d’affirmer l’efficacité des livres de croissance personnelle, selon Catherine Raymond, mais la chercheuse entreprend un nouveau projet. « On aimerait travailler avec des non-consommateurs qui souhaiteraient lire ces ouvrages et mesurer, avant et après, le stress et les symptômes dépressifs, pour voir si les symptômes vont augmenter ou diminuer », confie-t-elle. D’ici les résultats de cette prochaine étude, la coauteure recommande de rester prudent et de ne pas oublier de remettre l’information en question. Catherine Raymond conseille cependant deux livres validés scientifiquement, Par amour du stress de Sonia Lupien et Le Pharmachien d’Olivier Bernard.

*étude menée par des chercheurs de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal.

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