« On dispose aujourd’hui d’une capacité de diffuser des informations comparable à celle qui, jadis, était réservée aux médias de masse, explique le professeur titulaire à la Faculté de droit et responsable du programme en droit des technologies de l’information, Pierre Trudel. Il s’agit d’une situation qui demande à tous d’être beaucoup plus conscients de la nécessité de gérer soi-même les informations que l’on diffuse ou que l’on permet d’être diffusées dans des environnements de réseaux. »
Snapchat, Twitter, Facebook, Instagram… chaque jour, ce sont près d’un demi-milliard de photos qui sont partagées sur ces réseaux communautaires*, créant ainsi une banalité dans le geste de publier une information parfois intime. « Je ne pense pas que la publication d’informations puisse avoir un réel impact et, si oui, ça ne m’inquiète pas », révèle l’étudiant à la maîtrise en philosophie à l’UdeM Guillaume Soucy.
Selon M. Trudel, notre environnement comporte pourtant des risques différents de ceux qui prévalaient à l’époque à laquelle ces informations étaient plus difficiles à diffuser. « Il est important d’évaluer les risques d’une diffusion de la même manière qu’on est au courant des dangers d’utiliser une tondeuse, une automobile ou même un parachute ; il faut connaître les risques et en prendre conscience », précise-t-il.
Pour l’étudiant au baccalauréat en études allemandes à l’UdeM Steven Gauthier-Constantin, il faut notamment faire attention à ne pas publier sur le coup de l’émotion, pour ne rien regretter. « Ce que l’on publie sur Facebook ne nous appartient plus, affirme-t-il. Tout le monde peut y avoir accès et diffuser l’information comme il le désire. »
Confusion entre sphères privée et professionnelle
Selon l’enquête Social Recruiting Survey publiée en 2014 par la plateforme de recrutement Jobvite, 93 % des employeurs consultent ou prévoient utiliser les réseaux sociaux dans leurs démarches d’embauche et 55 % d’entre eux ont reconsidéré les candidats par la lecture de leur profil en ligne. « Il y a plusieurs entreprises qui vont maintenant aller visiter les sites de médias sociaux pour trouver l’information sur leurs futurs employés, et ce avant, pendant et après les entrevues », affirme le professeur agrégé à la Faculté de droit de l’UdeM, Nicolas Vermeys, qui s’est intéressé, dans un de ses ouvrages, à la relation employeur-employé avec Facebook.
Steven croit d’ailleurs qu’il devient nécessaire de créer un deuxième compte Facebook une fois que l’on entre sur le marché du travail. « J’ai un ami qui est photographe professionnel et qui a deux comptes distincts, décrit-il. Mais en étant étudiant, ce n’est pas réellement utile. »
L’étudiante en année préparatoire à l’UdeM Terrie Beauchamp a quant à elle vécu quelques turbulences après la publication d’un commentaire en lien avec son ancien emploi. Témoin d’une situation qu’elle réprouvait, la jeune femme a publié un statut pour exprimer son mécontentement le soir même sur son profil Facebook. Bien qu’elle n’ait pas cité le nom de son lieu de travail, les reproches auraient néanmoins vite suivi. « Ma patronne a imprimé plusieurs pages de mon Facebook, ma photo, mes informations et mes statuts, rapporte-t-elle. J’avais l’impression d’être devant la cour pour un crime que je ne comprenais pas du tout. Le pire, c’est que je n’avais aucun de mes employeurs sur mon Facebook, qui a toujours été privé. C’est un autre employé qui leur a montré le statut. »
L’établissement l’aurait ensuite menacée de congédiement et d’une mise en demeure si elle ne supprimait pas son commentaire, d’après ses dires. Terrie l’a finalement retiré par peur de perdre son emploi.
Les pratiques controversées de certains employeurs aux États-Unis ont beaucoup fait parler d’elles dans les dernières années : selon l’Associated Press, certains employeurs demanderaient à des candidats leur mot de passe Facebook. Au Canada, une protection par la loi est prévue à cet égard (voir encadré).
*Source : données de l’analyste des nouvelles technologies à la Silicon Valley Mary Meeker