Depuis la fin des années 1970, la femme est au cœur du cinéma d’épouvante. Elle incarne cette figure de victime, fragile mais forte, qui surmonte l’effroyable et parvient à survivre au monstre ou au meurtrier à la fin du film. Dans le film d’horreur, ce sous-genre est appelé le slasher et met en scène une jeune femme, survivante d’un massacre d’adolescents aux mœurs légères et décadentes. Elle est surnommée la final girl, terme défini par la professeure d’études cinématographiques et auteure américaine Carol J. Clover dans son célèbre ouvrage Men, Women and Chainsaws : Gender in the Modern Horror Film. Même si ce personnage central a connu une évolution relativement positive au cours des décennies qui ont suivi, plusieurs ont vivement dénoncé le machisme des réalisateurs à faire souffrir leur héroïne.
Longtemps, les femmes ont tenté de pénétrer le monde du cinéma d’horreur. D’aucuns seraient même surpris d’apprendre que quelques-uns de leurs films fétiches ont été mis en scène par des réalisatrices, comme Near Dark, un western aux accents vampiriques, réalisé par l’américaine Kathryn Bigelow. Ce n’est cependant que depuis les années 2000 que nous assistons à une réelle transformation. Les femmes cinéastes s’emparent du film d’horreur. En France, l’actrice Marina De Van est passée derrière la caméra pour offrir un premier long métrage : Dans ma peau (2002), une descente aux enfers dans l’intimité d’une trentenaire qui découvre une fascination pour l’automutilation.
Aux États-Unis, Karyn Kusama met en scène Jennifer’s Body (2009), d’après un scénario de Diablo Cody, une fable adolescente où le corps d’une jeune fille populaire est possédé par le démon. Au Québec, Izabel Grondin tourne Le Quartier des oubliés, où les passagers d’un autocar sont pris en otages dans les Laurentides. Mais qu’est-ce qui change réellement dans cette approche féminine?
Dans le numéro de L’actualité datant du 15 octobre, la journaliste Céline Gobert se penche sur la question des cinéastes et productrices québécoises et précise que « les films d’horreur des femmes n’hésitent pas à explorer les thématiques inhérentes à la condition féminine : le corps, la maternité, la sexualité, le mysticisme ». The Babadook de l’australienne Jennifer Kent est sorti l’an dernier et relate l’histoire d’une mère qui fait face à un mystérieux monstre, le Babadook. Le long métrage a reçu un accueil unanime de la part des critiques et du public. Curieusement, ce sont les thèmes de la maternité et du deuil dépeints avec une noirceur et une finesse rarement vues qui ont été salués.
Les sursauts, le gore, les jeunes filles qui hurlent… cette recette n’a plus le succès d’antan auprès du public. Les spectatrices sont d’ailleurs de plus en plus considérées. La théoricienne Isabel Cristina Pinedo affirme, dans son ouvrage Recreational Terror : Women and the Pleasures of Horror Viewing, que le spectateur féminin est en fait négligé dans les analyses filmiques, mais qu’il a toujours été présent et amoureux du cinéma d’épouvante.
Est-ce donc dire que les réalisatrices proposent l’avenir du cinéma d’horreur? Une certitude demeure : à l’instar de l’ensemble du milieu cinématographique, les femmes peinent à intégrer la profession de cinéaste. Elles trouvent donc divers moyens pour distribuer leur œuvre autrement. La réalisatrice américaine Stewart Thorndike a par exemple offert gratuitement pendant une durée limitée son premier film, Lyle, après avoir reçu un accueil favorable au festival Outfest de Los Angeles. Ce drame d’épouvante, similaire au style du film Rosemary’s Baby, montre une future mère sombrer dans la paranoïa, tandis qu’elle croit que sa partenaire veut faire du mal à leur enfant à naître.
Grâce à des films comme Lyle ou encore A Girl Walks Home Alone At Night réalisé par l’américano-iranienne Ana Lily Amirpour, le cinéma d’horreur a droit à un nouveau regard à la fois original, innovateur et rafraîchissant. Il y a bien longtemps que le genre en avait besoin!