«Il y a quelques années, j’ai noté que l’omniprésence des appareils en classe devenait carrément nuisible », explique le professeur au Département de science politique à l’UdeM Pierre Martin. Depuis trois ans, l’enseignant a instauré une règle stricte : les gadgets électroniques sont interdits en cours. Les étudiants sont priés de prendre des notes au stylo. Ce choix est aussi personnel. « Quand je parle à des gens, j’aime voir leurs yeux », défend-il.
L’étudiante à la maîtrise en science politique Sophia Déry est passée du clavier au stylo dans la classe du chargé de cours au Département de science politique Guillermo R. Aureano, qui privilégie lui aussi la prise de notes à la main. « Il m’a fallu un moment d’adaptation puisque la prise de notes à la main demande une plus grande réflexion du fait qu’elle force à synthétiser, explique-t-elle. La différence était surtout en fin de cours, lorsque le niveau de concentration diminue, mon ordinateur n’était pas là pour me distraire. »
D’après une enquête sur les compétences numériques menée par l’OCDE, l’école n’utiliserait pourtant pas assez les possibilités offertes par les nouvelles technologies. Le directeur du Département de psychopédagogie et d’andragogie de l’UdeM, Jacques Viens, s’intéresse aux technologies éducatives. Selon lui, l’utilisation d’un ordinateur durant un cours peut constituer un précieux atout, et la technologie permettrait d’élargir l’accès à la connaissance. « On peut consulter ou vérifier une source qui concerne le cours qui est en train d’avoir lieu directement en ligne, illustre-t-il. Je peux aussi demander à mes étudiants de voter ou de faire des commentaires sur des propositions qui sont faites sur un site. »
Toutefois, l’usage d’un ordinateur en cours doit être justifié : celui-ci ne doit pas être utilisé pour des activités personnelles, d’après le professeur. « Le téléphone pour appeler des amis, un roman qu’on lit pendant le cours, ce sont des choses qui n’ont rien à voir avec l’apprentissage, décrit M. Viens. En revanche, si c’est à des fins pédagogiques, cela a toute sa pertinence. »
Mieux concentrés pour étudier ?
L’étudiante à la maîtrise en science politique Shannon Dinan pense que son niveau d’attention est meilleur lorsque les ordinateurs sont interdits en cours. « Je me suis surtout sentie libre de ne plus voir les jeux, les matchs de sport et les pages Facebook des autres étudiants, déclare-t-elle. Mais je n’ai pas remarqué de différence en termes de résultats. »
Le professeur au Département de didactique de l’UQAM Patrick Charland s’intéresse dans ses recherches à la neuroéducation. « Si on n’occupe pas les étudiants, ils vont s’occuper eux-mêmes », croit-il. L’enseignant invite ses étudiants à apporter ordinateurs et tablettes en cours, mais il a mis en place un code éthique du comportement pour les sensibiliser à l’utilisation des technologies de l’information et de la communication durant les cours. « Nous avons senti un impact sur ces étudiants, souvent sensibilisés pour la première fois », affirme-t-il.
Malgré les possibilités qu’offrent ces outils numériques, M. Viens rappelle que l’intégration dans les cours prend du temps. « Dans notre Département, nous essayons de valoriser l’intégration des technologies dans l’enseignement en développant une culture de e-learning dans les cours de formation des jeunes maîtres », ajoute-t-il.
Concernant la présence des ordinateurs en cours, les règlements varient selon les universités. À l’UdeM, l’encadrement est laissé au choix du professeur. À l’Université Laval, le Comité de valorisation de l’enseignement a mandaté un groupe de cinq personnes pour travailler sur les enjeux de l’utilisation des appareils électroniques en classe. Dans son rapport rendu en mars 2015, le groupe de travail a écarté l’idée de les interdire et a plutôt recommandé aux professeurs de les intégrer à leur enseignement.
* Source : Les pays de l’OCDE doivent adopter une approche différente pour exploiter les possibilités offertes par les nouvelles technologies à l’école, rapport intitulé « Students, Computers and Learning : Making the Connection », 15 septembre 2015.
** Source : Institut de psychiatrie de l’Université de Londres, American Psychological Association, Newad.