Titre Manquant

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Par Victor Klein
mardi 8 février 2011
Titre Manquant

«Pourquoi, dans Le Pianiste de Polanski, le personnage doit-il toujours courir et se cacher alors qu’il joue merveilleusement bien du piano? No reason!» C’est sur cette touche d’absurde noir que s’ouvre le dernier film de Quentin Dupieux, alias M. Oizo: Rubber, présenté en avant-première américaine jeudi 3 février au IFC de Greenwich Village dans la grosse pomme.

L’excitation traverse dans un frisson l’immense ligne de cinéphiles sur la Sixième Avenue que l’horaire tardif de la projection ne semble pas avoir découragée. Les sourires s’affichent allègrement. Tout le monde semble heureux d’être là. Par contre, les New Yorkaises hystériques à talons aiguilles, enrobées dans des manteaux en fourrures faisant deux fois leurs poids et tirant la tronche, qui organisent et gueulent sur le public, moins. On déplorera un staff peu amène envers des aficionados qui ont fait le déplacement. La contrepartie positive: la projection est gratuite et n’importe qui peut venir: «First come, first served!»

Le cinéma est réellement un lieu agréable, tous les snacks sont certifiés biologiques, même le pop-corn qui malheureusement n’a donc plus de goût. Des produits dérivés et des trésors de collectionneur sont en vente et le personnel du cinéma, lui, est détendu et souriant.

Le film commence sur une scène d’anthologie de l’absurde. Pourquoi boire son verre d’eau quand on peut le renverser sur le sol? Le film lui-même est une ode au «no reason». Beaucoup d’humour et peu de rationnel. A-t-on le droit de rire en voyant un lapin exploser? C’est toute l’histoire de Robert, le pneu serial killer.

Derrière ce vernis de coolitude et de relax, on peut toutefois discerner une critique du cinéma américain d’aujourd’hui et de ses suites sans fin, qui ne prend même plus la peine de livrer une histoire correcte aux spectateurs et leur inflige des navets à répétition comme Transformers ou Halloween. Aussi, une légère réflexion sur le sens de la vie, ou plutôt son non-sens, est esquissée durant le film.

Quentin Dupieux, présent dans la salle, prend le temps après le screening de répondre aux questions des chanceux explorateurs du continent pellicule. L’homme, qui a commencé comme acolyte de Michel Gondry, livre aujourd’hui son troisième long-métrage. Il en signe la bande-son avec Gaspard Augé, du groupe Justice, qu’on peut voir dans le film en backpacker totalement perdu. Dans la liste des caméos célèbres, nous noterons aussi Pedro Winter, le papa de Ed Banger Record en brûleur de caoutchouc et Wings Hauser, un survivant de la série B américaine. On saluera aussi la performance de Stephen Spinella en shérif douteux.

Durant ce court échange, on apprend que le film a été tourné en 14 jours avec deux appareils photos Canons 5D. Un exploit au vu de la qualité de la réalisation. Le tournage a coûté 300 000 euros. La question de l’argent fait révéler aux réalisateurs un aspect intéressant de la genèse du film: il ne l’aurait tourné qu’à cause d’un manque de financement pour un plus gros projet et l’aurait fait dans un trip très personnel. Le film est-il donc une énorme farce dont le public peut se passer ou reste-t-il un joyau de la comédie noire malgré tout?

En tout cas, à la sortie, j’ai eu le droit à une capote en forme de pneu, et ça, c’est vraiment cool.