Mieux vaut interdire que guérir ?

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Par Alice Mariette
mercredi 5 octobre 2016
Mieux vaut interdire que guérir ?
Illustration : Adriane Paquin-Côté
Illustration : Adriane Paquin-Côté

Interdire les pitbulls, interdire le burkini, interdire les jouets dans les menus pour enfant, interdire l’alcool lors des initiations de rentrée… interdire les initiations de rentrée. 

La ministre québécoise de la Condition féminine, Lise Thériault, a lancé ce pavé dans la marre. Elle réagissait à la polémique autour du texte paru dans Le Pigeon Dissident, dans lequel une étudiante en droit raconte s’être sentie « presque obligée » de se déshabiller pendant les initiations. Selon la ministre, les universités devraient se poser « sérieusement » la question de l’interdiction.

La politique ou l’art d’évincer les problèmes. 

Dès qu’une situation semble incontrôlable, la menace de la prohibition pointe le bout de son nez. Mais interdire les activités d’initiation ne va pas permettre de régler les problèmes de débordements, les agressions à caractère sexuel ou les humiliations. En bannissant les initiations, le message envoyé aux jeunes est en réalité : « Comme vous n’êtes pas capables de comprendre et de changer, à partir de maintenant vous ne pourrez plus rien faire. » Un peu comme une punition imposée à toute la classe lorsque la faute n’incombe en réalité qu’à un seul élève.

Il est vrai que certaines activités proposées aux étudiants à chaque rentrée peuvent poser des questions quant à leur utilité — à ces activités, et par extension à ces initiations. Chaque mois de septembre est marqué par une nouvelle controverse. Comme en 2011, où dans une vidéo YouTube des étudiants de HEC, peints en noir et vêtus comme le sprinteur jamaïcain Usain Bolt, scandaient « We want some weed ! » Une vidéo dénoncée par le sportif lui-même, qui s’était dit « dégoûté ». Ou encore en 2014, avec la chanson à caractère sexuel de l’Université Laval. Cette année, la liste des « 12 travaux d’Hercule » de l’UQO a été dénoncée comme faisant l’apologie de la culture du viol.

Mieux vaut éduquer que guérir

Et si on commençait par les appeler les « intégrations » ?

La question que pourraient se poser les universités est : qu’est-il possible de faire pour que les initiations ne soient pas vidées de leur sens ? Qu’elles ne soient pas un moment où humiliation et discrimination remplacent la création de liens sociaux entre nouveaux camarades de classe et futurs collègues de travail.

De leur côté, les gouvernements pourraient se demander – pas uniquement au moment des initiations — ce qu’il est possible de faire pour que les jeunes n’aient pas de comportements déplacés. La réponse n’est pas de brandir haut et fort le drapeau de l’interdiction. Non, la réponse est l’éducation, dès les premières années de scolarité, accompagnée d’une vraie politique de sensibilisation et de conscientisation.

Combattre les problèmes

Dans certains cas, l’alcool a été réduit, voire exclu des soirées d’initiations. Effectivement, très – et trop — souvent lorsque le taux d’alcoolémie est élevé, les dérapages ont lieu. Et l’alcool reste tristement la drogue numéro un des agressions à caractères sexuels*. Donc — normalement — moins d’alcool signifie moins de débordements. Si dans les faits la boisson n’est qu’une partie du problème, cela marque simplement une volonté de changer.

De son côté, la ministre de l’Enseignement supérieur, Hélène David, a assuré qu’elle travaillerait « sans relâche » pour changer les mentalités. L’espoir n’est donc pas perdu. Comme elle l’a souligné, plusieurs associations étudiantes, notamment à l’UdeM, font déjà du bon travail. S’il ne faut pas brandir la campagne « Sans oui, c’est non » comme une formule magique et un remède à tous les maux, elle répond tout de même à un besoin : elle explique. Alors, comme la ministre, il faut être de tous les combats et ne pas abandonner… à coup d’interdictions.

* Selon le Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale (LSJML).