Happy few porte à l’écran le récit troublant, touchant, de deux couples apparemment stables, heureux, solides, qui voient leur quotidien bouleversé par un échange de partenaires qui devait au départ n’être l’objet que d’un seul soir. Évidemment, ils se font prendre à leur propre jeu; leur appréciation de la compagnie de l’autre devient de plus en plus forte, pour enfin devenir insoutenable. Ils en viennent à négliger leurs familles respectives, laissant les enfants de côté afin de vivre pleinement leur passion commune, dans une symbiose qui peut faire penser à une complète liberté sexuelle. D’abord dans un respect surprenant, en plein contrôle de leurs moyens, les quatre amis devenus amants tombent rapidement dans le piège de l’attachement, du questionnement, mettant en doute le bien-fondé de cette aventure devenue dépendance.
Marina Foïs, Roschdy Zem, Elodie Bouchez et Nicolas Duvauchelle campent brillamment ces personnages troublés à la recherche de leur identité, cherchant réponse à l’inconnu à travers une abondance de sexualité. Toujours dans une justesse désarmante, leur jeu, autant individuel que commun, dégage une profonde humanité, un naturel ébranlant. Jamais le spectateur ne peut se mettre en position de jugement, même face à la particularité de la situation, tellement les événements sont présentés avec vérité.
Côté réalisation, Antony Cordier offre du temps à ses acteurs, du temps dans le plan en lui-même afin de laisser toute la place au récit, à la sensibilité du sujet traité. Il serait facile de tomber dans une sexualité gratuite, de surexploiter l’échangisme dans ses stéréotypes les plus connus, mais Cordier l’évite à tout coup, privilégiant la force du silence à la facilité d’un visuel choc.
Bref, Happy few se propose comme un film d’une belle douceur, d’une authenticité charmante, qui réussit à traiter justement et respectueusement d’un sujet délicat, voire tabou.