Avez-vous remarqué la couverture des agendas étudiants ? La Fédération des associations étudiantes du campus de l’UdeM (FAECUM) célèbre ses 35 ans d’existence cette année. L’historien Denis Gravel, auteur du livre Histoire de la FAECUM (1976-2006) : Une fédération en marche, se rappelle les bons coups, et les moments plus difficiles de la Fédération. Avec la nouvelle hausse des frais de scolarité décrétée par le gouvernement Charest, voici un aperçu historique des diverses luttes menées par les étudiants de l’UdeM.
Comme journaliste dans les années 1980 au Continuum, le journal de la Fédération à l’époque, Denis Gravel s’est trouvé souvent confronté à des enjeux qui n’ont cessé de refaire surface par la suite. La question des droits de scolarité est un combat persistant de la FAECUM depuis sa naissance, selon M. Gravel.
Devant les débats actuels, il se demande, presque exaspéré, si certaines positions trop campées de part et d’autre n’ont pas toujours nui au débat. «“Vous êtes gras dur, les étudiants”, c’est ça qu’on entend tout le temps!», dit-il en boutade.
Il insiste sur la contestation étudiante de 2005, qui aurait fait éclore une nouvelle sorte de militantisme étudiant, désormais plus éclairé. Les compressions gouvernementales de 103 M $ dans le programme des prêts et bourses ont donné lieu à des débats passionnés, et des sorties remarquées de la Fédération. La connaissance exemplaire qu’avaient les élus de l’organisation des dossiers complexes et des polémiques du jour l’avait surpris.
La FAECUM lui paraissant plus informée que jamais. Chose certaine, il l’avait trouvée en 2005 «drôlement efficace. Il y avait une gradation dans les moyens de pression mis pour contester les compressions» qui témoignait d’une organisation minutieuse de la protestation.
L’entente que l’Université et la Fédération ont conclue avec Pepsi en 1999 lui rappelle aussi des diatribes enflammées d’étudiants consternés de ce partenariat lucratif. Ce dossier continue à faire réagir, alors que l’UdeM et la FAECUM songent à renouveler leur entente avec la multinationale.
Efficacité du mouvement étudiant
Alors que certains parlent de cynisme chez les jeunes, l’efficacité du mouvement étudiant à l’UdeM n’a pas cessé de croître. « Les arguments d’une lutte à l’autre sont souvent les mêmes », affirme-t-il en expliquant que la FAECUM a su mieux articuler ses positions et apprendre des erreurs du passé. Elle aurait donc gagné en maturité et en influence depuis ses balbutiements, alors qu’elle cherchait à rallier les voix étudiantes du campus.
La FAECUM a réussi à mieux se structurer malgré une bureaucratie grandissante et un roulement constant des élus à la tête du mouvement. «Les prises de position de la Fédération face à l’Université sont souvent similaires année après année», analyse- t-il. L’organisation a aussi tâché de conserver une attitude sereine qui lui a souvent réussi. La Fédération a obtenu des gains sur plusieurs dossiers, dont l’annulation de frais excessifs imposés par l’Université, l’évaluation des politiques linguistiques et de l’enseignement et la transparence financière à l’UdeM.
La structure de la Fédération s’est alourdie au fil des ans. C’est le résultat des règles serrées des assemblées générales et de la volonté d’assurer la continuité souhaitée des positions héritées du passé. Or, pour l’historien, cela a permis une défense efficace des points de vue de la Fédération.
L’historien rit quand il se rappelle que les négociations avec la FAECUM pour l’écriture de son livre ont été parmi ses plus ardues. Par contre, elle lui a fourni une quantité étonnante d’archives, qui l’ont aidé à rédiger son ouvrage.
«Mentalité d’assiégé»
L’auteur explique qu’il a peut-être régné à plusieurs moments une «mentalité d’assiégé » au sein de l’organisation. Désireuse de conserver les acquis de ses luttes passées, minée aussi par des rivalités internes, la Fédération a vu plusieurs affrontements éclater dans ses rangs. Denis Gravel se souvient même d’échanges féroces entre les membres du journal Continuum et ceux de la Fédération en son temps, lors d’un match de… ballon-balai ! Elle a donc souvent misé sur les discussions, et pas sur la confrontation directe. Denis Gravel rappelle quelques histoires d’actions musclées de militants de la FAECUM: le vol de la coupe Grey, de camions de bière et d’une statue de Trudeau en 1978, une occupation du parquet de la bourse de Montréal en 1990, ou encore le défonçage d’une porte à coup de bélier à Montebello en 1995.
M. Gravel avoue avoir de la difficulté à cataloguer la FAECUM. « Il faut constamment revoir son jugement », s’exclame-t-il. L’organisation rassemble une multitude d’associations étudiantes (plus de 80) aux préoccupations diverses. Elle s’est toujours avérée assez militante, reconnaît l’auteur. Selon lui, son étoile pâlit aujourd’hui lorsqu’on la compare à une autre organisation plus combattive, l’ASSÉ. Impossible pour lui d’accoler une étiquette aux revendications de l’organisation : celle-ci a par exemple penché du côté fédéraliste lors du référendum de 1980 puis dévoilé ses affinités souverainistes lors de celui de 1995.
Il n’hésite pas à affirmer que les gains des luttes étudiantes récentes sont sûrement un legs plus important que le militantisme «maoïste, trotskiste, parfois un peu échevelé, des années 70». Les positions étudiantes qui se polarisaient autrefois autour de partis politiques ou d’idéaux rassembleurs, se sont aujourd’hui fragmentées en une multitude de causes.
De l’écologie à l’altermondialisme, en passant par le droit des femmes, la voix étudiante de la FAECUM s’incarne plus que jamais sur tous les fronts selon M. Gravel.