Volume 29

30 ans d’histoire au présent

Les étudiant·e·s qui ont fondé Quartier Libre avaient pour ambition de créer un journal réellement indépendant. Son prédécesseur, Le Continuum, était lié à la FAÉCUM et jugé trop proche de la fédération et peu revendicateur. Ce qui s’appelait alors Le Quartier Libre a ainsi publié son tout premier numéro le 27 septembre 1993.

Au moment de baptiser le journal, le journaliste et chroniqueur au Devoir Jean- François Nadeau, alors étudiant au doctorat en science politique et chef de la section société, a trouvé naturel de marquer une continuité avec la tradition du journalisme étudiant. « J’ai pensé à Quartier Libre, qui rappelait le Quartier Latin [NDLR : le journal étudiant de l’Université de Montréal entre 1919 et 1970], mais qui est aussi un poème de Jacques Prévert », explique celui qui a été le troisième directeur du journal. Pour l’anecdote, « L’ombre jaune », un nom qui relevait davantage du flou artistique que des racines du journalisme étudiant, a failli être choisi. 

La création de Quartier Libre a été l’occasion de se positionner, mais également d’apprendre le métier de journaliste de manière concrète. « On partait de zéro, tout était à faire ! », précise M. Nadeau. Marc Cassivi, ancien chef de la section culture et aujourd’hui journaliste à La Presse, considère, avec le recul, que son passage comme chef de section a été l’une des expériences les plus formatrices de sa carrière. « J’ai appris à Quartier Libre l’essentiel de la gestion d’une équipe de journalistes », confie-t-il. 

Quartier Libre se voulait à la fois un journal qui pouvait renseigner comme donner à réfléhir. « Il y avait un mélange de gens qui voulaient travailler dans des organes de presse et d’autres qui voulaient d’abord soumettre des papiers de réflexion », poursuit le journaliste. 

Débuts tumultueux 

Les débuts du journal ont été très précaires. 

« Nous avions eu de sérieux problèmes financiers, qui nous avaient forcés à déménager du premier local sur Côte-des-Neiges », se remémore M. Cassivi. M. Nadeau et M. Cassivi ont tous deux été marqués sur le plan olfactif par le premier local dans lequel ils travaillaient. Situé au-dessus du restaurant Subway, au 5189 de la rue Côte-des-Neiges, celui-ci imprégnait le local de son odeur caractéristique. 

Même si les publicités étaient à l’époque plus nombreuses et rémunératrices qu’aujourd’hui, elles ne suffisaient pas à financer les activités du journal. 

Quartier Libre a ensuite déménagé une première fois sur le boulevard Édouard-Montpetit, afin de faire des économies sur le coût du loyer. Puis est apparu de plus en plus clairement que le meilleur moyen de pérenniser sa publication serait de le financer au moyen de cotisations étudiantes. Cette cause n’était pas gagnée d’avance. 

Une « croisade », comme la nomme M. Nadeau, a donc été lancée pour en obtenir. En effet, certaines associations ont alors craint que le journal ne perde en indépendance. Une page dans chaque numéro a finalement été cédée à la FAÉCUM et aux associations en échange de leur participation financière, tout en gardant une ligne éditoriale affranchie de toute influence. Une fois les deniers obtenus, le déménagement dans un local de l’Université a permis de stabiliser les finances. 

Les formats changent, la mission demeure 

En 30 ans, Quartier Libre a connu la chute des revenus publicitaires dans les médias et la fin des petites annonces publiées pour quelques dollars. Il a également reconnu la nécessité de réagir à l’arrivée du Web. 

À ses débuts, le journal était édité chaque semaine à 15 000 exemplaires. Un large réseau de distribution se déployait même à l’extérieur de l’Université, selon M. Nadeau. Il se souvient avoir livré le journal jusqu’au centre-ville, avec l’actuelle directrice générale des Petits chanteurs du Mont-Royal, Marie-Pierre Rolland. À l’époque, le réseau de distribution dépassait les limites de l’Université. 

Mode de fonctionnement pérenne 

Quartier Libre traverse les années 2010 en se rodant, avec un mode de fonctionnement clairement établi. Trois chefs de sections : culture, campus, société, sont recrutés chaque année, pour deux sessions maximum, question de laisser la place aux autres étudiant·e·s ou diplômé·e·s de l’UdeM. Un·e rédacteur·trice en chef, également de l’UdeM, est aussi recruté·e pour deux sessions. Tous sont rémunérés à temps plein. Des pigistes, étudiant·e·s de l’UdeM, participent à des réunions de rédaction récurrentes, en étant également rémunéré·e·s pour leurs articles au bout d’un petit nombre de feuillets. 

Seul le/la directeur·ice peut être extérieur·e à l’UdeM. Il s’agit d’un poste de gestion administrative. Marie Roncari, directrice de Quartier Libre pendant près d’une décennie, jusqu’en août 2021, fait alors en sorte de pérenniser le média, aussi bien en termes de finances que concernant son organisation. 

Un journal papier sort aux deux semaines, un site Web est créé, permettant de publier des actualités en ligne, et une émission est mise sur pied sur les ondes de CISM 89,3 FM baptisée tout simplement… Quartier Libre. 

Se joignent à l’équipe du média un·e graphiste, un·e correcteur·rice, un·e réviseur·e, un·e photographe, un imprimeur… C’est tout un écosystème qui gravite autour de Quartier Libre.

En mars 2020, Mme Roncari décide d’organiser une exposition avec les plus belles unes de Quartier Libre à l’UdeM, et en réunissant ses anciens journalistes… Mais la pandémie frappe. 

Le bureau sans fenêtre du Pavillon Jean-Brillant ferme ses portes. Des lunchs moisissent dans le petit frigo. Plus possible d’imprimer un journal papier dans une université désertée, plus possible non plus de présenter une émission de radio en direct… L’équipe mise alors sur le Web et produit du contenu quotidien. 

Relancer la machine 

Mme Roncari cède sa place en août 2021, et le conseil d’administration du média décide de faire fusionner le poste de rédacteur·rice en chef et celui de directeur·rice. C’est décidé, il faudra une personne capable de s’occuper de la gesston administrative du média tout en ayant quelques années d’expérience comme journaliste pour conseiller l’équipe au quotidien. 

Camille Dufétel, ancienne cheffe de section culture en 2014, puis rédactrice en chef en 2015, qui a étudié en journalisme à l’UdeM et qui cumule plusieurs années d’expérience comme journaliste à Montréal et à Paris, est choisie. Son rôle est alors clair : il faut relancer la machine, alors que les étudiant·e·s retrouvent l’Université masqué·e·s, mais bien en personne. Remotiver les troupes, redonner de la visibilité au média, produire à nouveau un journal papier… Les défis ne manquent pas. 

Mme Dufétel recrute une nouvelle équipe. Elle décide de proposer un format magazine déjà testé peu avant la pandémie, cette fois mensuel, avec un peu moins d’actualités chaudes, celles-ci étant réservées au Web, mais plus de formats reportage, portrait, et entrevue. Avec un tirage de 3 000 exemplaires. 

L’émission de radio sur les ondes de CISM 89,3 FM reprend de plus belle. Au-delà de vouloir se former à la pratique du journalisme en dehors des cours, pour ces pigistes qui dans les faits, étudient souvent au DESS ou au certificat en journalisme, la directrice de rédaction sent chez eux l’envie de retrouver un contact humain. « Le journalisme, ça se pratique autant que possible sur le terrain ! En dehors des cours, il est important de venir participer au média, de sortir de ses notes de cours et d’apprendre concrètement ce qu’est une ligne éditoriale, un angle et une pyramide inversée, estime Mme Dufétel. 

En janvier 2023, Patrick MacIntyre prend à son tour les rênes du média. Plusieurs défis l’attendent, dont la refonte du site Web.  

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