Simon Gaudreau nous invite, avec son premier film, à une intrusion dans le milieu du rap francophone, de la scène hip hop montréalaise. Dans King of the l’Est, récemment présenté au dernier Festival du Nouveau Cinéma, il trace le parallèle entre deux mondes, celui de quelques ados d’une maison des jeunes de HOMA, et celui de C-Drik, un rappeur qui roule sa bosse dans Hochelag’ depuis plusieurs années. Essayons de comprendre à quoi ça rime, tout ça.
Quartier Libre : Pourquoi vouloir faire un film sur le rap francophone québécois?
Simon Gaudreau : Comme j’avais déjà débuté le tournage avec les jeunes du métro Joliette, j’étais depuis un moment dans leur univers, dans un univers hip hop. J’avais envie de connaître le rap francophone qui se faisait à Montréal. Mon coloc m’a initié à cette culture, je n’aurais sûrement pas fait ce film là sans lui. Adolescent, j’ai grandi alors que le hip hop faisait son entrée au Québec, alors j’avais déjà un intérêt pour le genre. Je connaissais d’ailleurs déjà C-Drik.
QL : Tu connaissais sa musique?
SG : Oui. Dans ce temps là, c’est à dire dans le début des années 2000, C-Drik avait beaucoup de diffusion. C’est dans ces années là qu’il a sorti ses gros albums, comme 6 tracks de trop…, et c’est plus tard que je me suis souvenu de son importance dans le milieu hip hop et que je l’ai approché pour faire un film sur lui.
QL : Et ça faisait, à ton avis, un sujet intéressant pour le cinéma documentaire?
SG : Culturellement, c’est pas très gros le Québec, encore moins le rap franco-québécois, et justement je pense que c’est le rôle du cinéma documentaire de garder une mémoire de cette culture, d’être capable de lui faire une histoire. Sinon, elle disparaît, alors que c’est vivant, c’est un langage qui évolue, qui n’est pas commercial. Je voulais parler d’une identité québécoise, même si je n’aime pas trop le terme.
QL : Les gens arrivent à s’identifier au monde du hip hop québécois?
SG : J’ai beaucoup de commentaires après les projections comme quoi les gens se reconnaissent dans mon film. Moi, je me reconnais là-dedans.
QL : Dans quoi tu te reconnais?
SG : Moi, ado, qui fumait du pot au secondaire. On le sait tous que ça fume du pot dans la culture hip ho,p.
QL : Ce n’est pas stéréotypé de dire ça?
SG : Non. On le voit dans mon film. Ça fait tellement partie de leur univers que ce n’est même plus important.
QL : Dans ton film, on voit les jeunes qui rencontrent C-Drik alors qu’il leur parle de son rap, de son style de vie. Ils l’admirent et aiment ce qu’il fait. C-Drik, c’est un rappeur dans la trentaine qui fume beaucoup de pot. J’ai de la difficulté à comprendre en quoi il peut être une inspiration pour les jeunes.
SG : Il n’y a pas de morale dans mon film. Le but, c’est de montrer des gens qui sont vrais, pas une construction qui pourrait suggérer que la vie des jeunes du métro Joliette est difficile. L’inspiration, c’est C-Drik qui vient voir les jeunes, en tant que lui-même, qui dit la vérité comme lui il la connaît.
QL : C’est quoi, cette vérité?
SG : C’est ce qu’il vit, ce qu’il raconte à travers ses paroles, ses mots. Les jeunes sont touchés par ses paroles parce que ça parle de ce qu’ils vivent. Quand ils chantent les paroles de C-Drik, à travers ça, ils chantent leur propre vie. Dans le fond, ils veulent dire à la caméra ce que C-Drik dit dans ses chansons.
QL : Penses-tu que la réalité de C-Drik touche beaucoup de gens ?
SG : Mon sujet est petit, et je pense que c’est impossible d’avoir un sujet universel qui touchera tout le monde. Ça n’existe pas. J’identifie dans mon film une partie de la culture québécoise, qui n’est pas bourgeoise pour deux cennes, mais qui fait facilement référence à la moitié du Québec. Ce sont de vraies images, la réalité de tellement de gens.
QL : C-Drik, c’est un peu comme une idole dans son microcosme?
SG : Il est authentique, il est prêt du monde, et ça marche. On a beau dire qu’il ne vit pas de ça, ça fait quand même quinze ans qu’il a une carrière, qu’il fait des albums et il est vraiment reconnu dans son milieu. Tout le monde a son microcosme, et le but n’est pas nécessairement d’y être connu, mais d’être important.