Le dernier film du réalisateur québécois Denis Côté, Curling, risque d’en ennuyer plusieurs et de paraître très abscon. Or, ce n’est qu’après avoir vu le film qu’on constate que Côté a su insuffler une éloquence aux moments de silence de Curling.
Jean-François Sauvageau (Emmanuel Bilodeau) et sa fille douze ans, Julyvonne, qui vivent sur le bord d’une autoroute rurale dans un coin perdu du Québec. Jean-François est préposé à l’entretien dans un club de quilles et dans un motel. Qu’il soit au boulot ou non, il ne veut pas que sa fille sorte de sa maison, car il pense que le monde extérieur est trop effrayant pour elle. D’ailleurs, Julyvonne ne va pas à l’école.
Puisque son père l’amène sporadiquement dehors pour des activités sociales, Julyvonne prend goût à sortir. Selon elle, des sorties lui permettront de jouer avec des jeunes de son âge. Lorsque Jean-François n’est pas à la maison, Julyvonne en profite pour aller contempler des cadavres humains gelés dans une forêt près de chez elle. De plus, Isabelle (Sophie Desmarais), la nouvelle collègue de Jean-François au centre de quilles, aimerait pouvoir jouer avec Julyvonne plus souvent.
Ancien journaliste, Denis Côté n’a pas de difficulté à amorcer le film en montrant ce qui cloche avec Jean-François et sa fille. Cependant, le film perd son souffle dans sa deuxième moitié. Avec un rythme volontairement lent et une performance des acteurs paraissant robotique, il est facile de se lasser d’être le témoin du quotidien morne de Jean-François et Julyvonne. De plus, Côté nous garde à plusieurs bras de distance des deux héros du film. En effet, le film ne révèle pas assez d’information sur les craintes de Jean-François concernant un contact quotidien entre sa fille et le monde extérieur.
Cependant, un œil très attentif peut cerner le propos de Côté. Encore faudrait-il se magner à voir Curling dans toute son intégralité! Tantôt Jean-François fait une concession à sa fille en la laissant sortir et un autre jour, il veut la garder à la maison pour son bien. Fait-il des progrès ou entre-t-il constamment dans une période de rechute? Même si le film n’offre pas une réponse satisfaisante avecune fin volontairement déguisée en queue de poisson, Curling est un film touchant et même drôle sur le combat en silence d’un héros (Emmanuel Bilodeau en subtilité) contre ses démons intérieurs et l’attente de jours meilleurs.
Finalement, Curling s’inscrit dans cette lignée de films canadiens indépendants – comme Crackie et Grown Up Movie Star – montrant avec subtilité des protagonistes en milieu rural qui réalise, à la fin, que la vie est faite d’espoirs. Bien que Curling ne soit pas un candidat potentiel du prix de la bobine d’or, le prix remis par l’Académie canadienne au film canadien le plus rentable au box office, il saura plaire à une clique de cinéphiles très patients.
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Curling
Canada (2010), drame psychologique, 92 minutes
Réalisateur : Denis Côté
Distribution : Emmanuel Bilodeau et Philomène Bilodeau