Vingt ans après le référendum: entrevue avec Martine Desjardins

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Par Camille Feireisen
jeudi 5 novembre 2015
Vingt ans après le référendum: entrevue avec Martine Desjardins
Martine Desjardins avec Andrée Ferretti à la Librairie Olivieri pour présenter le livre "Mon désir de révolution" Crédit photo : courtoisie Editions XYZ
Martine Desjardins avec Andrée Ferretti à la Librairie Olivieri pour présenter le livre "Mon désir de révolution" Crédit photo : courtoisie Editions XYZ
Le référendum sur la souveraineté au Québec de 1995 vient de fêter ses 20 ans. La jeunesse québécoise est politisée, selon l’ancienne leader du mouvement étudiant 2012 Martine Desjardins, mais elle gagnerait à mieux connaître son histoire. Quartier Libre s’est entretenu avec elle sur la question de l’indépendance de la province et la perception qu’en ont les jeunes générations.

Martine Desjardins signe la préface de l’essai Mon désir de révolution [1] paru fin octobre aux éditions XYZ, à l’occasion des 20 ans du référendum de 1995, et écrit par l’auteure et militante souverainiste Andrée Ferretti.  

Appuyant sur « l’impétuosité qu’on retrouve chez la jeunesse », Mme Desjardins rappelle que les étudiants ont su se mobiliser en 2012. Elle regrette toutefois que les formations scolaires n’enseignent pas suffisamment l’histoire à ses élèves. « Il faut avoir la mémoire longue au Québec », note à plusieurs reprises Andrée Ferretti dans son essai.

Quartier Libre : Vous parlez de l’importance de l’enseignement de l’histoire du Québec. Quand celui-ci devrait-il être donné? 

Martine Desjardins : Dès le primaire, car il n’y a pas vraiment de cours d’histoire jusqu’au secondaire. Nous recevons énormément d’informations pour nous politiser, mais, d’un autre côté, il faut accompagner ces informations d’un raisonnement pour trouver des solutions et comprendre comment fonctionne la politique, à l’échelle fédérale et provinciale. Les élèves du secondaire que j’ai rencontrés n’ont pas entendu parler des dates clés du Québec, ils ne connaissent pas certains traités.

Quartier Libre : Les jeunes Québécois connaissent-ils davantage l’histoire québécoise ou l’histoire canadienne? 

Martine Desjardins : Ce qui a trait à l’histoire québécoise est sans doute plus proche de notre vécu. Au Québec, nous nous définissons d’abord par le fait d’être Québécois et nous remarquons chez près de 80 % des jeunes que c’est également le cas. […] Nous avons une autre façon de faire les choses, que cela soit par notre langue, notre passé ou notre histoire. Mais il faut en être conscient, et je pense que, chez les jeunes, cette conscience est presque innée, normale, sans que l’on sache vraiment ce que ça veut dire. Notre identité est difficile à définir. Pourtant elle existe de par notre rapport au monde extérieur et nos avancées sociales qui s’inspirent d’autres pays […].

Quartier Libre : Considérez-vous que les jeunes sont aujourd’hui mieux outillés pour mener une révolution vers l’indépendance?

Martine Desjardins : Oui, je pense qu’ils ont les outils qui leur permettent de communiquer entre eux plus facilement. Le terme clé de cet essai est bien celui de « colonie », répété plusieurs fois par Madame Ferretti. Il faut déjà prendre conscience de l’être, colonisé. Quand on connaît notre histoire, on n’a pas le choix d’être révolté […].

J’ai l’impression que beaucoup de jeunes pourraient adhérer à cette impression de révolte, qui émane d’ailleurs toujours des jeunes générations. Mais tout cela demande de connaître notre histoire, et elle est révoltante, l’histoire. Je pense notamment que si on veut avoir des jeunes dans cette lutte, il va falloir les considérer comme des moteurs de changement, car ils peuvent influencer les choses, changer cette mentalité et cette répétition de l’histoire pour comprendre qu’on peut décider d’arrêter de subir. […]

Je pense que les jeunes peuvent reprendre ce flambeau-là, car quand on leur demande sur quoi ils veulent agir, ils parlent en majorité de l’égalité entre les hommes et les femmes, de l’environnement ou de mesures sociales. Ce sont des mesures sur lesquelles nous pouvons agir, mais en partie seulement, à cause de pouvoirs provinciaux limités. En partant de nos aspirations, nous pouvons trouver une voie de passage. C’est peut-être ainsi qu’il faudrait redéfinir l’identité québécoise : par ses préoccupations.

[1] FERRETI Andrée, Mon désir de révolution, Montréal, Éditions XYZ (2015), 148 p.