Vapoter à l’université

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Par Alice Mariette
mercredi 17 septembre 2014
Vapoter à l'université
À court terme, le propylèneglycol, principal ingrédient du liquide chauffé produisant l’aérosol, serait inoffensif pour les voies respiratoires.
Crédit photo: Isabelle Bergeron
À court terme, le propylèneglycol, principal ingrédient du liquide chauffé produisant l’aérosol, serait inoffensif pour les voies respiratoires.
Crédit photo: Isabelle Bergeron
Contrairement à la cigarette traditionnelle, la cigarette électronique est autorisée à l’UdeM. Pourtant, tout comme la cigarette de tabac, elle pourrait avoir des effets néfastes sur la santé, et le Département de chimie de l’UdeM, en partenariat avec la Société canadienne du cancer (SCC), a prouvé que ses étiquettes affichent souvent de fausses informations.

« Le gouvernement du Québec n’a pas implanté de règlement à ce sujet, indique le porte-parole de l’UdeM, Mathieu Filion. Il n’y en a donc pas à l’UdeM pour le moment. » Depuis 1999, il est interdit de fumer dans la majorité des lieux publics, notamment les universités.

Toutefois, aucune réglementation n’encadre la cigarette électronique. « Il y a certaines discussions à ce sujet à l’Université, mais il est actuellement trop tôt pour parler de nouvelle réglementation », précise M. Filion. Techniquement, tous peuvent vapoter [NDLR: terme pour désigner l’action de fumer la cigarette électronique] librement à l’intérieur du campus, dans les couloirs et les amphithéâtres ou encore à la cafétéria.

Cette situation demeure plutôt rare et les utilisateurs de la cigarette électronique se retrouvent généralement à l’extérieur avec les fumeurs traditionnels. D’ailleurs, les étudiants de l’UdeM semblent plutôt défavorables à l’utilisation de la cigarette électronique dans l’enceinte de l’Université. « Je suis contre et ça me dérange, car c’est un environnement sans fumée », affirme l’étudiante en mathématique Justine Rouillard. Certains ne voient pas pourquoi il devrait y avoir une différence par rapport à la cigarette conventionnelle. «Peu importe la fumée, ça reste la même chose, on n’a pas besoin ni envie de la côtoyer chaque jour», croit l’étudiant en science biomédicale Mohamed-Anis Achacha.

De son côté, le professeur au Département de science économique Faycal Régis Sinaceur utilise la cigarette électronique pendant son cours. «Si on l’interdisait, je réagirais plutôt négativement personnellement, mais plutôt positivement si je faisais l’effort d’être objectif», évalue-t-il.

La pratique du professeur n’est pas sans rappeler les années où il était permis de fumer des cigarettes de tabac en classe. «Les étudiants qui me questionnent sur cette habitude sont des vapoteurs ou sont intéressés par ce que je fais, affirme ce dernier. Je n’ai jamais eu de plainte à cet égard.» Si ce phénomène est encore méconnu auprès du grand public, elle semble avoir des effets préférables à la cigarette traditionnelle chez ses utilisateurs. «Je n’ai pas plus de toux du fumeur, j’ai une meilleure apparence de peaux et j’ai le nez blanc et non plein de goudron», affirme le professeur.

Des étiquettes mensongères

Que l’on soit pour ou contre la cigarette électronique, il existe un autre problème, celui du contenu exact du produit. Interpellée par ce nouvel objet, la SCC a fait appel au Département de chimie de l’UdeM afin de connaître plus précisément les différents composants. La responsable du laboratoire de spectrométrie de masse de l’Université, Alexandra Furtos, explique comment le laboratoire a réalisé l’analyse. « La spectrométrie de masse est une technique analytique grâce à laquelle nous avons pu recenser les différents composants des mélanges », décrit cette dernière.

Sur treize cigarettes électroniques testées, neuf présentaient des anomalies et six, qui ne devaient pas contenir de nicotine, en contenaient finalement. «Il y en a une panoplie de cigarettes électroniques et différentes saveurs comme French Vanilla ou Lucious Strawberry, rapporte Alexandra Furtos. Des goûts qui ne sont probablement pas destinés aux fumeurs de longue date.» Rappelons que l’importationet la vente de cigarettes électroniques contenant de la nicotine sur le territoire canadien sont jugées illégales par Santé Canada. Il est impossible pour le consommateur de savoir ce qu’il a entre les mains, croit la chercheuse au Département de chimie de l’UdeM Karine Venne, qui a également participé à l’étude. «Pour ce produit, il y a un vide législatif et juridique, par conséquent aucune analyse n’est requise», précise-t-elle.

La cigarette électronique et la loi

Devant ces résultats, la SCC demande au gouvernement d’encadrer ce produit afin de le bannir des lieux publics où il n’est déjà plus possible de fumer du tabac. «Nous souhaitons que les cigarettes électroniques soient incluses dans la Loi sur le tabac qui n’a pas été révisée depuis 2005, confie l’analyste des politiques de la SCC Geneviève Berteau. Ce n’est pas sans danger, et il faut adopter le principe de précaution. » Selon Geneviève Berteau, le gouvernement est sensible à la question, et la SCC a bon espoir que la cigarette électronique soit réglementée prochainement.