Valoriser la chaleur

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Par Edouard Ampuy
vendredi 15 novembre 2019
Valoriser la chaleur
Crédit photo: Jacob Côté
Crédit photo: Jacob Côté
Les rejets de chaleur des bâtiments urbains représentaient en 2009, un tiers des émissions de gaz à effet de serre (GES). Une équipe interuniversitaire développe une méthodologie et des outils pour valoriser ces rejets.

L’étudiant au doctorat du Département de génie mécanique de Polytechnique Samuel Letellier-Duchesne explique que la réduction de ces émissions de GES passe par l’optimisation énergétique. Avec d’autres étudiants et chercheurs, il fait partie du projet de recherche RE4 qui consiste à développer des réseaux de partage de chaleur à l’échelle d’un quartier ou d’une ville. Ces réseaux permettent la récupération et le partage de celle-ci d’un bâtiment à l’autre.

« On récupère les excès d’énergie qui habituellement seraient renvoyés dans l’environnement, pour les renvoyer dans le réseau de partage de chaleur », développe Samuel. Les rejets d’énergie se divisent en deux catégories. « Des excès qui proviennent de procédés industriels, qui vont rejeter énormément d’énergie à haute température, et des excès qui proviennent de procédés de climatisation ou d’autres sources d’énergie renouvelable », spécifie-t-il.

Le professeur au Département de génie mécanique de Polytechnique Michaël Kummert est le chercheur principal de ce projet, lancé en 2016. Il est convaincu que ce procédé peut améliorer la performance énergétique des villes. « On parle beaucoup à Montréal de décarbonisation et d’arrêter le chauffage au gaz, déclare-t-il. Je pense que c’est une des solutions qui permettraient de le faire tout en apportant d’autres bénéfices. »

Des avantages…

Les émissions de GES sont l’une des causes des îlots de chaleur urbains. « Ces réseaux permettraient de diminuer les rejets de chaleur dans l’air ambiant, et ainsi participer à la lutte aux îlots de chaleur », précise le chargé de communication aux relations avec les médias de la Ville de Montréal, Gonzalo Nuñez.

Un autre élément qu’avancent Samuel et M. Nuñez est le concept de résilience. « On parle ici de la capacité du réseau à répondre à une perturbation, comme une tempête ou des évènements climatiques importants, et de la vitesse à laquelle il va pouvoir retourner à son état initial », souligne-t-il.

… et des défis

« La principale barrière est sans doute la concurrence face à l’hydro-électricité, qui est une énergie propre et peu dispendieuse », dévoile M. Nuñez.

Samuel explique que réaliser une analyse pour déterminer le modèle de réseau le plus performant à appliquer à un quartier est l’un des objectifs des étudiants de Polytechnique du projet RE4. Plus un quartier est dense, plus le réseau devient économiquement viable. « Ce qui fait le succès d’un réseau de partage de chaleur, c’est d’avoir un environnement assez dense avec beaucoup de bâtiments de nature différente, et donc une mixité au niveau des usages », précise M. Kummert.

L’interdisciplinarité

La particularité du projet RE4 est son interdisciplinarité. En plus des polytechniciens, il inclut des étudiants et des chercheurs de l’École d’architecture de l’UdeM et de l’École d’urbanisme de McGill.

Pour Samuel, il est essentielle de comprendre les objectifs des autres disciplines. « Si moi j’ai besoin de densité pour que mon réseau soit économiquement viable, l’architecte, lui, ne peut pas avoir trop de densité, sinon, ça vient jouer avec le bien-être du quartier », illustre-t-il. Pour tout ce qui est loi et administratif, les modèles de gouvernance, c’est beaucoup le rôle des étudiants de McGill. »

Les étudiants réalisent leur projet dans leur discipline, précise M. Kummert, et travaillent en commun sur les mêmes études de cas. Il donne l’exemple du projet de développement Angus, pour lequel l’intégration d’une boucle de partage de chaleur entre quelques bâtiments du site est souhaitée. « Nous ce qu’on regarde là, c’est comment de tels réseaux peuvent devenir des embryons sur lesquels se grefferont de plus grands réseaux », développe le chercheur.

L’objectif universitaire de la démarche

M. Kummert rappelle que la transformation vers des quartiers plus durables exige des efforts pouvant s’étendre jusqu’à quinze années de développement. « C’est sûr que ce n’est pas l’équipe du projet RE4 qui va faire le design des réseaux de chaleur, ça sort de notre domaine de compétences, concède-t-il. Notre rôle en tant que chercheurs et universitaires, est aussi d’éduquer et de former des gens qui iront mettre en pratique ces enseignements dans l’industrie, ou pourquoi pas à la Ville de Montréal. » M. Nuñez admet que grâce au milieu universitaire, la Ville se tient informée des nouvelles technologies et procède rapidement à la mise en œuvre de projets pilotes.