Universités en détresse

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Par Olivier.Simard.Hanley
mardi 13 novembre 2012
Universités en détresse
L’une des figures de proue du «printemps érable», Gabriel Nadeau-Dubois s’est exprimé sur le «profond malaise » à l’université le 30 octobre dernier. (Crédit photo : Pascal Dumont)
L’une des figures de proue du «printemps érable», Gabriel Nadeau-Dubois s’est exprimé sur le «profond malaise » à l’université le 30 octobre dernier. (Crédit photo : Pascal Dumont)

L’université québécoise est aux prises avec un grave problème identitaire. C’est le constat qui a émergé lors du débat sur la culture universitaire qui s’est déroulé à l’UdeM le 30 octobre dernier. Un philosophe, Michel seymour, et un sociologue, Jacques Hamel, partagent cette réflexion .

Les trois leaders du « printemps érable », Gabriel Nadeau-Dubois, Martine Desjardins et Léo Bureau- Blouin, ont mis en lumière la difficulté des universités à articuler leur mission sur la place publique lors du débat La culture universitaire, quelle culture ? Ils ont aussi évoqué les dangers de la commercialisation du savoir.           

«On part de loin au Québec», souligne le professeur de philosophie de l’UdeM, Michel Seymour, qui parle d’une «incompréhension du rôle que peut jouer l’université» dans une large partie de la population. «Les universités ont été [longtemps] réservées à une élite socio-économique », si bien que même si on vit à une époque où le «bac est à peu près minimal» sur le marché du travail, il subsiste certains « stigmates du passé ».

Pour lui, la méfiance envers les universités résulte surtout d’un manque d’accessibilité financière à l’université. La présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec, Martine Desjardins, a soutenu lors du débat qu’il fallait démystifier l’université aux yeux de la société, afin qu’elle ne soit pas vue comme une tour d’ivoire.

L’organisateur du débat et professeur de sociologie à l’UdeM, Jacques Hamel, estime que la réaction publique de méfiance à l’égard des universités émane d’un virage pris depuis une vingtaine d’années. Il en résulte que «les universités ont abandonné leur mission de transmettre les connaissances pour plutôt les produire», affirme-t-il.

« Les profs sont devenus des chercheurs, repliés sur leurs enquêtes sans trop se soucier de rendre des comptes au public », pense-t-il. Les sciences sociales, à l’utilité plus indirecte, en ont souffert. D’où le devoir, pour lui, de s’expliquer dans les médias pour dissiper l’incompréhension sur son rôle de chercheur universitaire .

Le modèle Harvard

C’est le modèle actuel des universités qui est «au bout du rouleau», pour M. Hamel, ce qui rejoint le «malaise profond » souligné par M. Nadeau-Dubois lors de la conférence.

« Le modèle Harvard », soit des universités carburant à l’argent, bâties pour se concurrencer entre elles, est peut-être un «cul-de-sac » pour le Québec, poursuit M. Hamel. «On n’a ni le bassin démographique, ni les ressources, ni les riches donateurs » des grandes universités américaines, indique-t-il. Il suggère plutôt un modèle collaboratif, fondé sur la coopération sur le partage de ressources entre les universités.

« Il faut accentuer les gestes d’ouvertures pour accentuer l’accessibilité et réussir à vaincre les préjugés contre l’université », croit de son côté M. Seymour. Cette revendication cruciale du «printemps érable» prend racine, selon lui, dans l’idée de l’ouverture universelle de l’université à toutes les strates de la société.

M. Hamel tire à boulets rouges sur la gestion de Guy Breton, l’actuel recteur de l’UdeM.«Notre recteur se leurre. Ce ne sont pas tous les étudiants qui veulent être des cerveaux liés au besoin des entreprises», tranche-t-il, en parlant de la tendance nette à favoriser la recherche appliquée au profit de la recherche fondamentale .

«C’est complètement stupide», affirme-t-il, en insistant sur le fait que l’université doit doter tous les étudiants d’une culture générale forte, pour les préparer à un marché du travail impitoyable et en constante évolution .